mardi 23 juin 2009

Témoignage sur l'invasion de 1870

« QUELQUES NOTIONS SUR LES MALHEURS DE LA GUERRE DE L’ANNEE 1870 »


Le 1er mars 1871, Nicolas Marivet, vingt sept ans, cultivateur coutelier à Dampierre trempe sa plume dans l’encrier pour raconter les évènements de 1870 tels qu’il les a vus, vécus, entendus, ou ressentis. Naturellement, sa mémoire des dates est approximative, ses talents d’écrivain ainsi que son orthographe doivent être interprétés phonétiquement, mais son témoignage, véritable instantané de l’actualité de l’époque, a l’avantage d’avoir été écrit très tôt après les évènements. Son village a vécu l’occupation temporaire des Prussiens, le temps des fêtes de la fin de l’année 1870, et il en a subi personnellement les réquisitions alimentaires, avec en mémoire le carnage survenu à Nogent quelques jours auparavant. Marié depuis 1867, et père de famille, il ne semble pas avoir fait partie de la levée en masse des troupes , ni s’être présenté à l’enrôlement à Langres. Comment a t-il eu connaissance des évènements d’Alsace Moselle, ou de Paris ? Le mystère demeure ; cependant la proximité de Nogent et le rendu qu’il donne des évènements en font un témoin privilégié qui accentue encore l’horreur du massacre perpétré dans cette commune . Les autres narrateurs de ce carnage en font un récit similaire, pour Cavaniol , plus succinct pour un officier de l’armée française resté anonyme , ou justificateur comme le colonel prussien commandant les troupes basées à Chaumont . Ce document inédit rappellera donc, si besoin était, les horreurs de cette guerre qui nous arracha l’Alsace et une partie de la Lorraine.

« Lan 1870 grande sécheresse point de pluie pendant tout lété chènevières ne sont pas semées ; peu de legumes, pommes de terre, passablement ; foin et trèfle très peu ; avoine et carèmages passablement ; Blé beaucoup assez grande quantité.
Dans cette même année, la mi Juillet ; un grand malheur est tombé sur la France ; guerre très grande est déclarée par Napoléon III à Guillaume Ier roi de Prusse ; Grande Bataille livrée entre ces deux provinces ; entre les deux frontières et perdue pour les Français Entrée des Prussiens en France par Vissembourg place forte 7.000 habitants les derniers du mois d’Aout ; aussitot entourage de Metz par les troupes Prussiennes ; troupes Françaises retirées dans cette ville dirigées par le Marechal Bazaine ; et Leboeuf, peu de temps après, le 1er novembre de la dite année capitulation de la dite Forteresse par les marechaux ci dessus avec materiaux de guerre et 120.000 hommes de troupes.
Avant cette capitulation grande bataille livrée à Sédan en Lorraine perdue par les Francais ; cest a cette Catastrophe que le grand Marechal Mac-Mahon à été Blessé ; et a remis le commandement au Général Vimphem ; et à cette bataille ; Napoléon III malgré la résistance du Général Vimphem ; qui a capitulé avec plus de 80.000 hommes ; hommes choisis de tous régiments pour la garde de lempereur ; plus de 500 pièces de canon et tous les materiaux de guerre tout à été livrés . Tous ces hommes et matériaux conduit en Prusse ; ainsi que Napoléon qui a été conduit dans la forteresse de Hesse-Cassel. Prusse.
Après ces capitulations la République a été déclarée ; ce qui fait la Durée des plus grands malheurs ; et qui entretient la guerre ; cette République ayant lévé tous les gardes mobiles ne sachant aucun éxercice cest les envoyer pour ainsi dire à la gueule de ces grandes bouches à feu Prussiennes ; après cette levée d’hommes ; la République a levé tous les hommes de 20 à 40 ans non maries et veuf sans enfants cette levée dans toute la France, dans le courant du mois d’Octobre, cette levée a été exécutée.
Cette levée appelée vieux garçons ou mobilisés ne sachant aucun exercice pour le maniment des armes ; la peur des ennemis ; fait que la levée de ces hommes Sont presque inutiles pour (manquant) de la patrie .
Après la grande capitulation de Sédan les Prussiens se sont dirigés sur Paris par la route de Chalons et peu de temps après Paris fut cernés, les Prussiens se sont emparés immédiatement de Versailles ; de tous les grands chateux ; et de plusieurs departements autour de Paris ; de sorte que les Parisiens ne peuvent sortir pour salimenter.
Grande bataille livrée à Orleans et remportée par larmée Prussienne contre larmée francaise ; armée de la Loire.
Strasbourg belle ville préfecture Du département du Ht Bas-Rhin, place forte de 75.000 habitants cette belle ville fut bombardée brulée en partie surtout ce que la France le monde entier la belle Bibliothèque fut brulée la belle voûte de la grande catédrale fut enfondrée à coup de bombes incendiaires et de boulet : Strasbourg fut donc oblige par la famine de se rendre et de capituler ; Ces héros qui ont si bien soutenu cette belle forteresse sont dignes déloges entre autre le général Ulric ; si les vivres navait pas manqué aurait tenu plus longtemps ; mais à fallu renoncer à soutenir la patrie pour la Faim de ses habitants ; le 15 octobre la ville est tombée sous le joug Prussien et 18.000 hommes dont 450 officiers superieur pour la défense de cette ville furent prisonniers et conduit immediatement en Prusse.
Dans le courant de ces quelques mois toute la France en émeute je dirai pour ainsi dire en desespoir, contre la souffrance de ses enfants, des victimes sur les champs de bataille ; sur le passage des troupes prussiennes ; autour des forteresses, et forteresses mêmes ; ces troupes prussiennes très nombreuses dans une grande partie de la France, mangeant tout sur leur passage sans que le pauvre Francais puisse Ouvrir la bouche ; au contraire toujours paraitre content, ou sans quoi ces hommes était toujours de mauvaise humeur.
Cette année stérile pour bien des choses nétait rien en comparaison des fléaux qui sont tombés sur la pauvre patrie , le tout, bétail, grains de tout espèce.
Le 15 novembre de la dite année les prussiens sont arrivés en éclaireurs , environ 200 par la route de Nogent ; le 16 du meme mois la troupe est arrivée dans notre village 2.000 hommes à pied et 80 hommes à cheval ; tous ces prussiens de la province de Brunsvic ; hommes tres polis ; assez bon caractère ; mais exigeant En nourriture ; mangeant et buvant tout le jour ; le matin en se levant café noir ; sans sucre avec un peu de pain ; aussitôt le déjeuner terminé ils se mettent a peler environ 20 litres de pommes de terre avec 4 kilo de bœuf et (un) 6 litre de vin pour 6 hommes le diner servi à midi ; après le diner se mettant à boire l’eau de vie, sans verre, buvant chacun par tour dans la bouteille ; vers deux heures après diner, se remettant à peler pommes de terre ; et les faisant cuire beignentes dans leau et les délayant avec le bouillon de leur viande, et les mangeant vers 4 heures, les uns Les autres mangeant du lard cru tout seigneant ; et le soir pour le souper café noir sans sucre avec du laid frais ; enfin pour ainsi dire ils ne font qu’un seul repas pendant tout le jour . Un mois après le 23 Décembre sont arrivés dans notre village et pays aux alentours véritable prussiens, poursuivant les mobiles, et franc tireur ; les ont poursuivis et battus à Neuilly et Prussiens sont couchés cette nuit à Neuilly et Frécourt Bonnecourt ; le lendemain sont revenus dans notre village 3.000 hommes à pied et 400 cavaliers sont revenus le 24 à 8 heures du matin et sont Restés pendant 4 jours ; les fêtes de Noël ont été célébrée bien tristement la plus grande partie de ces hommes ont assisté aux messes de ces beaux jours. Le 27 tous ces hommes se sont retirés sur la direction de Montigny sans savoir et sans dire leurs intentions. La durée des premiers venus dans notre village a été de 8 jours. Tous ces hommes sont venus dans nos pays principalement pour se nourrir convenablement, pour en chasser tous franc tireur et mobiles ; les uns disent que cest pour faire le siège de Langres petite forteresse mais en cela rien de certain. Le départ de ces derniers conduit par les cultivateurs de Dampierre se dirigent sur Bourbonne sans doute pour ravager tous ces bons pays.
Le 1er Decembre grande catastrophe à Nogent le roi, Prussiens sont venus dans cette ville quelques jours en avant venant en réquisition au nombre de 60 demandant 7.000 F et beaucoup de chariot de blé ; cétait un jour de marché ; le Maire de la dite ville envoie des estafets dans les pays aux environs ; en amusant les Prussiens pour chercher de la troupe Aussitôt deux heures apres les mobiles franc tireurs sont arrivés sur la demande du maire, et ont poursuivi ces hommes loin de la ville abandonnant tout ce quils avaient leurs sacs de militaires leurs fusils ; et ont été tués quelques uns ; Le lendemain Prussiens sont revenus dans cette ville a la charge au nombre de 600 à 7000 mais les mobiles sont revenus deux heures en retard ; Prussiens en entrant dans la ville enfonceant toutes les portes cassant tous les carreaux, mettant a mort plusieurs personnes quils Rencontrais et sen ont aller trouver monsieur le maire le menaceant de le fusiller lui disant quil avait livrer leurs hommes la veille le frappant a coup de sabre et l’ont blessés en plusieurs endroits Plusieurs des mobiles français de la veille setait retirer dans le cimetière de la ville et avait très bien vu passer les troupes prussiennes ; mais comme les français sétaient entendus la veille pour se trouver a l’heure indiquée dans la ville. Ceux ci nont pas fait semblant les voir cest pour cela que les prussiens Se croyant seul qu’il ont fait un tel carnage un instant après nos troupes entendant les cris des habitants sont courus se sont deployes ; nos autres français sont arrivés par un autre endroit et ont tombé sur les prussiens les ont chassés et en ont tués un bon nombre ; Les prussiens ont battu en retraite de suite, se sont sauvés et chargeant leurs blessés, leurs morts, de crainete que les francais n’en sache le nombre ; Les prussiens en battant en retraite pour se cacher des balles francaises ; faisaient sortir tous les Particuliers de leurs habitations pour se cacher se méler entre eux de crainte des balles françaises ; et en même temps ils les ont emmenés avec eux à chaumont, principalement Mr le maire de la dite ville, et il l’ont frappe à coup de sabre ; sa dame en le voyant ainsi maltraiter se mit a crier, et le défendre, aussitôt elle recut un coup de sabre sur la tête ; les prussiens ont emmenés 26 hommes devant eux plusieurs les faisant marcher a pied nu ; en arrivant a chaumont ils les ont mis en prison. Quelques jours après les particuliers de la dite villes se croyant un peu tranquille ; les troupes qui avait battu quelques jours avant se sont retirées par ordre de leurs général ; et nos français n’ont resté dans la ville au nombre de 60 à 80 ; tout à coup le 8 décembre les prussiens ont arrivés contre la ville (sans doute que cela à été vendu que les troupes étaient retirées) la cernant de toute part ils etaient au nombre de 1800, ces hommes venant par louvieres chemin de Nogent le bas ; les autres par plusieurs coins de Nogent le haut ; et aussitôt un engagement sanglant A commencé, nos 60 francs tireurs et mobiles ont soutenu pendant 2 heures ; parce que les ennemis ne sapprochaient qu’à petit nombre ; et tout d’un coup les prussiens ont tombé sur les notres, et sa tombait sur eux comme une pluie de balle, et en même temps le canon roulait, nos francs tireurs se sont mis à fuir en voyant leurs périrs ; en bon nombre est resté sur le champ de bataille, d’autres se sauvant étant blessés ; et les malheureux prussiens les jetaient tout vivant dans les flammes ; Pendant cette catastrophe les ennemis ont allumés des torches et se mirent à enflamer les habitations de Nogent le bas, au nombre 80 ménages ; et aussitôt les Prussiens ont monté de suite à Nogent le haut , et se sont mis à enflammer 9 à 10 maisons sur le champ de foire, et trois maisons sur la route de chaumont, et le grand café du centre au milieu de la ville ; et entrant dans les maisons faisant sortir les particuliers et les fusillait sur la place ; en ont mis a mort plusieurs qui était couché dans leurs lits ; ils ont fusillé 7 a 8 En autres plusiers pères de famille ; tous les hommes de cette ville sétaient tous enfuis à l’approche des prussiens parce que les veille ; ils en avait emprisonné un certain nombre pour ainsi dire sans raison ; Les hommes de cette ville sont restés au nombre de 14 seuls pour éteindre les flammes ; et même que ces lions qui allumait empéchait de secourir et déteindre les habitations emflammées ; ceux qui étaient à ce carnage, dont nos francs tireurs ont restés au nombre de 25 à 30 les uns seulement blessés mais jetés de suite dans les flammes et aussitôt étouffés par la fumée et brulés de suite ; ceux qui ont vu ces choses disent que l’on à jamais vu choses aussi peinantes qu’à ce spectacle ; les petits enfants sortant de leurs maison avec des petits paquets d’habits devant eux ; se sauvant ne sachant ou aller et se lamentant. Oh ? quelle chose affreuse dans cette saison rigoureuse de l’hiver ; la ville à été bombardée a coup de boulet, et de bombe et dirigée sur l’Eglise et ne lont pas pu attendre ; et on Atteint et percé le batiment de Meur Camille sur la place . Les premiers jours de Janvier lannée 1871 la ville de Langres vient demander en réquisition du grain, du bétail, du lard, de la farine ; en quelque sorte ce que les prussiens ont laissé. Lami janvier tous les hommes valide marié voeuf avec enfants tous sont demandés pour se défendre et defandre notre cher patrie, tous les hommes se sont présentés a la ville de Langres, faisant fonctions de préfecture de la un mal entendu ; et une presse que les autorités de la Ville ne savait à qui répondre ; et de plus pas dargent pour solder ; ceux les hommes qui était placé ; et pas dequipement ; de la une révolution ; les uns sen venaient se faire enroler et les autres placés désertaient ; et ce qu’il y avait de plus cruel ; dans ce moment et pendant toute lannée ; lépidémie de la petite vérole à fait de grands ravages tous les jours ils en mouraient de 8 a 10 par jours tant dune manière que dune autre ; Enfin pour lorganisation de larmée, quele gouvernement voulait faire cetait impossible ; sans effets ; sans nourriture ; et sans Vètements, ces hommes sont restés ainsi une quinzaine de jours… La grande capitale Paris étant cernée depuis 5 mois se trouvant tellement affamés ne mangeant que du cheval enfin de toute viande les habitants de la dite ville on mangé 5 livres de cheval pour 40 personnes ; pour trois jours ; enfin ils avaient pour nourriture en viande et pain pour un homme par jour 130 grammes ; et fallait vivre avec cela ; et cetait du pain quils mangeaient de toute graine du son et de la paille hachée ; Oh cest epouvantable ce que les habitants ont souffert ; ils 30 francs un chien ; 15 francs un chat, 1F50 un rat ; 1F une souris, les autres denrées étaient pour ceux qui pouvaient en avoir sans regarder le prix ; Monsieur Jules Favre ministre des affaires étrangères en ce moment ; voyant la grande misère et la révolution qui allait éclater alla trouver L’empereur Guillaume et Bismark son ministre ; à leur quartier général à Versailles et leur demandant un armistice ; et le ravitaillement de la ville ; Les autorités prussiennes nont consenti quaprès leurs avoir livré les forts de la ville ; et toute larmée De paris prisonnière de guerre internée dans la ville ; et toute désarmée ; et livrée tout le materiel de guerre ; et de nommer une constituante cet a dire un gouvernement sure pour un traité de paix, de suite les élections ont été convoquées pour le 10 février 1871 dans toute la France ont été nommés 750 députés qui ont siégé quelques après…
Pour la livraison de paris les prussiens se sont immédiatement emparés de forts ; ne devant rester que trois hommes francais les chefs de forts pour leurs donner les renseignements ; et aussitôt emparés Ces trois hommes francais devaient immediatement rejoindre larmée dans Paris ; et après le materiel de guerre livré ; cest alors que la ville à pu se ravitailler ».
Dampierre le 1er mars 1871
Marivet-Hutinet
Sorti des oubliettes de l’histoire
par Didier DESNOUVAUX

Sources complémentaires au récit :
- Histoire générale des peuples de l’antiquité à nos jours. Larousse Paris 1926.
- Cahiers Haut Marnais numéros 103-105-106 de 1970 et 1971.
- L’invasion de 1870-1871 dans la Haute-Marne. H.Cavaniol Chaumont 1873.
- Langres pendant la guerre de 1870-1871 d’après les documents officiels français et allemands

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