dimanche 1 novembre 2009

Les russes en Haute-Marne en 1917

SVOBODA[1]


En avril 1917 quatre régiments de volontaires russes, qui combattent depuis un an aux côtés des troupes françaises, sont rattachés à la 5e armée française du général Mazel afin de participer à l'offensive Nivelle. Le 16 avril, les Russes attaquent les positions allemandes au nord-ouest de Reims. En deux jours, ils prennent les ruines de Courcy, la cote 108, le Mont Spin, Sapigneul, capturant un millier de prisonniers et résistant aux contre-attaques. Le 20 avril, ils sont relevés par des unités françaises, après avoir perdu 70 officiers et 4 472 hommes tués, blessés ou disparus. Pour ces faits d'armes, les 1ère et 3eme brigades sont citées à l'ordre de l'armée.  Mais les lourdes tensions qui ébranlent les troupes françaises[2] n'épargnent pas le corps russe dont les soldats ont profondément ressenti les événements de Russie, prémices de la révolution d'octobre (le 15 mars le tsar a abdiqué, et le 13 avril les militaires ont prêté serment à un gouvernement provisoire). Après les attaques du front de Reims, les survivants sont évacués puis regroupés au camp de Neufchâteau où ils se scindent entre communistes et loyalistes partisans du gouvernement Kerensky.


Ces Russes, au nombre de 20.000 étaient arrivés en France après le bain de sang de Verdun. Ils avaient débarqué à Marseille[3],  Brest et La Rochelle, et les Parisiens leur avaient fait un triomphe le 14 juillet 1916 sur les Champs-Élysées. L'immense réservoir humain de la Russie tsariste venait au secours d'une France exsangue en échange de matériel de guerre et de munitions.  La 1ere brigade était formée des 1er et 2e régiments (ouvriers moscovites et paysans de la région de Samara), la 3e brigade des 3e et 6e régiments (formés à Ekaterinenbourg et à Tchéliabinsk). Après une période de formation, les troupes furent envoyées sur le front de Champagne où elles subirent de très lourdes pertes, notamment en raison de leur sous-équipement en masques à gaz. Les premiers mouvements de cassure entre les officiers et la troupe apparurent à la mi-mars 1917, après l'abdication du tsar Nicolas II, et la nomination de Kerenski comme premier ministre russe. Même si les russes du front français l'apprennent difficilement, car quand ils questionnent on leur répond que tout va pour le mieux dans la Sainte Russie, et que ce sont des journalistes à court de nouvelles qui ont inventé la révolution pour remplir leurs journaux. La vérité voit tout de même le jour, bouleversant les esprits et faisant éclore les rêves. Les ouvriers de Moscou, gagnés aux idées bolcheviques, veulent aller prendre part à la Révolution dans leur pays. Les paysans, avertis des premières mesures de partage des terres exigent leurs droits: "On distribue les terres, nous arriverons trop tard pour obtenir notre part légale !". Les soldats du 1er régiment de la 1ère brigade s'agitent sérieusement. Ils prennent contact avec les autres unités et se réunissent la nuit dans les caves d'une verrerie abandonnée, et décident de demander leur rapatriement. "le colonel Netchvolodov, mis au courant de la décision de ses hommes, s'évanouit de stupeur[4]". C'est dans ce moment de doute, et « pour les calmer », que le général Palitzine met ses troupes au service des offensives décidées par l'état-major français. Les pertes furent énormes. En trois jours, plus de cinq mille soldats russes sur environ dix-neuf mille sont tués ou blessés au combat. Certains officiers auraient été tués par leurs hommes. Cette leçon, toute militaire, n'a porté aucun fruit. Les russes réclament plus énergiquement encore leur rapatriement. Un groupe, évalué à dix mille soldats, décide alors de former des Soviets. Un homme prend leur tête, Baltaïs, et il est décidé, pour la première fois au monde, de célébrer le 1er mai russe (13 mai de notre calendrier) en faisant la grève au front! On déploie des drapeaux rouges sur lesquels était marqué Liberté en français, on chante les hymnes révolutionnaires. Les représentants du soviet sillonnent la région, un fanion rouge et noir accroché à la portière de la voiture de l'état-major du général Palitzine qui a été réquisitionnée. Les troupes françaises du secteur observent la mutinerie sans s'y joindre. Le Haut Commandement, conscient des risques de contagion, avait préconisé le retrait des troupes russes du front dès le 23 avril[5]. Les camps où ils étaient affectés devaient permettre le maintien de l'ordre et de la discipline mais les évènements du 13 mai démontrèrent que ce n'était pas suffisant. Donc le 20 mai le général Pétain prit la décision de les isoler dans les environs de Neufchateau mais la ville elle même devait rester interdite aux troupes russes en raison des soldats français qui pouvaient s'y trouver et qu'il ne fallait pas contaminer. Les deux brigades russes sont donc acheminées par voie ferrée en suivant deux axes différents mais néanmoins proches l'un de l'autre: les lignes Neufchateau Merrey et Neufchateau Bologne. C'est ainsi que du 25 au 27 mai 1917 plus de 16000 soldats russes débarquèrent dans les villages des cantons de Bourmont et de Saint-Blin, et plus particulièrement dans ceux qui étaient implantés le long de la voie ferrée. Après un trajet de plus de 9 heures, les soldats arrivent par petits groupes dans les villages pour loger dans des écuries et des granges. La 1ère division spéciale d'infanterie russe[6] est alors cantonnée dans le secteur de Bourmont pour la 1ère brigade[7] tandis que la 3ème brigade s'installe aux alentours de Saint-Blin[8]. Cette dernière brigade est dans sa majorité partisane de Kerensky, donc loyaliste, tandis que la 1ère brigade semble gagnée au bolchevisme. Un des soldats russes raconte que peu après son arrivée à Goncourt le comité révolutionnaire se réunit sous la présidence de Baltais et que la séance est rapidement devenue houleuse avec les officiers à tel point que lorsque le colonel Netchvolodov[9] lui ordonne de se taire et de se mettre au garde à vous. Baltaïs lui répondit: "c'est à vous de vous lever et de vous mettre au garde à vous". Le colonel se lève alors et déclare "je suis monarchiste[10]" avant de se retirer définitivement. Le soldat qui raconte cet épisode précise qu'ils n'ont jamais revu le colonel et qu'ils sont restés pratiquement deux mois sans commandement tandis que les officiers étaient partis loger quelques rues plus loin. Ils n'avaient plus aucune influence sur des hommes gagnés par les idées révolutionnaires. Forcément l'arrivée de ces soldats souvent bruyants, portant un uniforme inconnu, parlant une langue étrangère, est diversement appréciée dans nos paisibles villages haut-marnais. A Goncourt, les soldats russes logent à l'entrée sud du village, au 31 rue du Moulin et les officiers au 28 rue de la Vaux. Globalement ils sont bien accepté par la population. Ce n'est pas le cas à Illoud  où les femmes n'osent plus se rendre à Saint-Thiébault car des Russes désœuvrés rôdent en leur jetant des regards menaçants. A Graffigny-Chemin et à Nijon, les villageois sont touchés par le sort injuste qui est réservé à ces soldats venus de si loin pour aider la France à combattre l'ennemi allemand. Pour une partie d'entre eux, ce sont des soldats en provenance d'un hôpital de la région parisienne et qui sont ici en convalescence et attendent leur retour en Russie.  Il en est de même pour les militaires de la 3ème brigade qui font peur à la population de Prez sous Lafauche. A Saint-Blin, l'Etat major commandé par le général Volodia Marouchewsky[11] semble avoir moins de problèmes avec ses troupes. L'instituteur du village les décrit comme étant "d'une civilisation très primitive les russes mangent dans un énorme baquet avec des cuillères de bois. Ce sont de grands alcooliques buvant même l'eau de Cologne et la peinture à base d'alcool."  Ce n'est pourtant pas tout à fait ce que l'on pense à Goncourt où si les enfants sont étonnés de les voir manger avec des cuillères et des fourchettes en bois, les russes améliorent leur ordinaire en chinant des épices aux habitants et se pavanent "dans les rues avec des cannes au pommeau d'argent d'où pendent des bourses finement brodées[12]". Mais la nouvelle installation est loin de satisfaire les vœux de la troupe et la colère gronde. Les hommes, fatigués des déplacements et des changements de cantonnements avaient demandé à être placés dans un camp doté d'infrastructures correctes or ils se trouvent être dans des conditions aussi précaires que précédemment[13]. "Saint Blin ressemble à un vrai camp de bohémiens à la tombée de la nuit. Tous très bons musiciens et excellents chanteurs se promènent nonchalamment dans les rues jouant mandoline ou accordéon. De jour ils sont couchés et toute la nuit ils se promènent. Aucune discipline. L'appel journalier est impossible. D'un tempérament paresseux, ils n'ont aucune énergie et pour la plupart illettrés, ils se laissent facilement entraîner. C'est le début de leur agitation révolutionnaire. Des conférenciers viennent essayer de les soulever. Batailles journalières et sanglantes entre les soldats à cocarde rouge et les autres." Cette description fournie par l'instituteur de Saint Blin montre bien que les idées révolutionnaires sont ancrées dans les deux brigades même si elles se sont enracinées plus rapidement dans la 1ère, peut être à la faveur des informations en provenance de leur pays comme l'affirme le maître d'école de Semilly "Ces hommes assez corrects au début sont devenus indisciplinés surtout à la nouvelle de la révolution russe. L'autorité militaire a du les distancier pour éviter de graves inconvénients. La plupart d'entre eux étaient paresseux." Il y a surtout un véritable clivage: Si les russes blancs acceptent de continuer à se battre en France, les russes rouges veulent rejoindre leur pays et se battre pour la Révolution.  C'est ce qui ressort du rapport du général de Castelnau[14] qui vient visiter les cantonnements dans la région le 3 juin 1917: « c'est l'anarchie, il semble que tout ressort de la discipline militaire et toute tendance vers le bien soit abolie dans l'esprit et le cœur des soldats russes .... Je doute fort qu'il soit possible en France de leur rendre l'équilibre moral qu'ils ont totalement perdu. Il est indispensable d'envisager leur retour dans leur pays d'origine, dont ils disent avoir la nostalgie ». Effectivement, les officiers russes ne parviennent pas à rétablir leur autorité dans les cantonnements et l'encadrement français signale que les hommes passent leur journées à dormir, qu'ils ignorent les ordres et pratiquent la grève «des bras croisés». A la mi juin, le premier congrès des soviets de soldats et d'officiers se tient, à parité et à égalité, dans la salle du conseil municipal de Bourmont pour essayer de restaurer la discipline, et de rapprocher le commandement de ses hommes. Ils ne parviennent pas à une entente et chaque faction poursuivra seule le chemin qu'elle s'est tracé: la loyauté ou la révolution…
Profitant de la proximité de la Meuse, et de leur désœuvrement, certains soldats en profitent pour aller se baigner. C'est ainsi qu'à Goncourt, André Pasko 21 ans plonge sur une racine de saule et s'éventre. Le 7 juin 1917, ses obsèques ont lieu avec les honneurs militaires. La musique du 1er régiment de la 1ère brigade l'accompagne jusqu'à sa dernière demeure dans le cimetière du village. Sa dépouille embaumée est portée la bière ouverte par ses compagnons d'armes.  Cet événement auquel assistent ébahis les habitants est immortalisé sur une carte postale. Le même jour à Saint-Blin eut également lieu un enterrement qui est raconté par l'instituteur "Enterrement grandiose d'un téléphoniste russe frère d'un pope. La cérémonie très imposante a lieu dans la cour de l'hôtel de ville ou le cercueil ouvert est entouré de fleurs de feuillages rapportés par les habitants et décoré avec beaucoup de goût. Les chants religieux sont magnifiques. A l'offerte le pope habillé richement embrasse le mort, les amis du décédé en font autant et les autres russes baisent une insigne religieuse posée sur la poitrine du mort. L'office terminé quatre soldats portent le cercueil ouvert sur leurs épaules, deux autres suivent tenant le couvercle sur leur tête. Puis la musique accompagne et la foule suit. Au cimetière sermon du pope, dernières oraisons funèbres près du cercueil toujours ouvert et placé près de la tombe. Puis on ferme le cercueil, on le descend en terre et chaque assistant prend à tour de rôle la pelle pour remplir la fosse". Si on ne connaît pas les raisons du décès de ce militaire, ce n'est pas toujours le cas. Ainsi à Semilly, un soldat russe fait une mauvaise chute de cheval et décède des suites de son accident. Là encore cet événement est immortalisé par une carte postale. A Chalvraines, les militaires russes qui sont cantonnés derrière le "château" sont réputés braillards, buveurs, et surtout ils s'exercent à l'arme blanche entre eux. Forcément les "accidents" peuvent arriver, comme le soir du 12 Juin, à Vesaignes sous Lafauche, quand le soldat André Dratcheff de la 12ème compagnie du 5ème régiment spécial russe est tué à l'arme blanche dans une rue du village. Il sera inhumé le 25 juin dans le cimetière communal. Le 22 juin à Chalvraines, le lieutenant qui loge au 26 Grande Rue[15] est assassiné dans sa chambre à coup de revolver en pleine nuit. Son ordonnance trouve au petit matin le corps sans vie de l'officier. Ce dernier est inhumé le lendemain dans la précipitation car les soldats doivent se préparer à quitter le camp. Quels que soient leurs défauts les soldats russes n'en sont pas moins humains quand arrivent des catastrophes, ainsi le 7 juin après l'enterrement d'un des leurs, la foudre s'abat sur le clocher de l'église de Saint-Blin et commence à ravager la toiture de l'édifice religieux. "Le feu dure de 4H à minuit. Dévouement de trois russes au milieu des flammes pour saper la toiture et protéger le corps de l'église, car le clocher, malgré le secours des pompes à incendie de Saint Blin, Prez sous Lafauche et Vesaignes est détruit. Les trois cloches sont hors d'usage, l'horloge est brisée."  A partir du 27 juin les éléments des 1ère et 3ème brigades quittent le secteur pour être transférés dans un camp du centre de la France: La Courtine. Pour la population c'est le soulagement, et il était temps qu'ils partent comme le pensait l'institutrice de Saint-Blin "On sentait en eux l'esprit de révolte, ils se réunissaient en grand conciliabule à chaque instant et partout" . "Ils n'ont pas été regrettés", pas plus qu'à Semilly. Mais finalement on se souciait bien peu des ressentiments de la population; il fallait préparer l'arrivée des américains[16]…   

Dès le 1er juin 1917, le ministre de la Guerre, Paul Painlevé, avait décidé du transfert des régiments soviétisés sur le camp de La Courtine, au beau milieu du plateau de Millevaches, à plus de six cents kilomètres de la ligne des combats. Ce camp de manœuvres avait abrité, au début de la guerre, des civils, puis des prisonniers. Dès le 11 juin les plus indisciplinés de la 1ère brigade sont envoyés dans la Creuse, prendre possession des lieux, où ils arriveront le 18, puis à partir du 27 juin ce sont quelques 16.000 hommes de troupe, 300 officiers et 1700 chevaux qui se mettent en marche pour aller les rejoindre. On sépare les éléments de la 1ère brigade de ceux de la 3ème brigade considérés comme plus dociles et qui vont s'installer à quelques kilomètres, à Felletin. Tous les soldats ont gardé leurs armes, fusils Lebel, fusils-mitrailleurs, mitrailleuses, canons de 37 et mortiers de tranchées. Ils s'installent à la fin du mois, et l'autorité des soviets se substitue, là encore à celle de l'armée et peu à peu ils se transforment en rebelles. Tandis que le général Foch tente de faire partir ces troupes pour la Russie, le gouvernement de Kerenski refuse, par peur de l'exemple qu'elles pourraient donner. Le gouvernement provisoire russe souligne, au contraire, que la peine de mort pour indiscipline doit être appliquée aux mutins. Un ultimatum et alors fixé pour la soumission des rebelles. Dans la nuit du 2 au 3 août, des troupes russes loyalistes (appartenant à la 3ème brigade) et des troupes françaises prennent position sur les collines entourant le camp de la Courtine. Les mutins élisent un chef qui parle couramment le français et les négociations vont durer sept semaines. Elle n'aboutissent pas et à la mi-septembre, tous les villages entourant le camp sont évacués. Le 16 septembre, les premiers obus de 75 pleuvent sur La Courtine. Un épisode de la guerre civile russe se noue alors au centre de la France: Blancs contre Rouges. Les explosions provoquent alors une réaction inattendue: les assiégés entonnent La Marseillaise puis La Marche Funèbre de Chopin, mais aussi l'Internationale! Le bombardement va se prolonger pendant trois jours et trois nuits, faisant des dizaines de victimes[17]. Peu à peu les mutins se rendent. Les meneurs sont débusqués, condamnés et déportés sur l'île d'Aix[18].  La révolution d'Octobre et la prise du pouvoir en Russie par les communistes ayant relancé les passions, le Gouvernement français offre aux soldats russes trois possibilités : s'engager dans l'armée française, être volontaires comme travailleurs militaires, ou partir pour un camp en Afrique du Nord. Près de 400 hommes, équipés et armés par la France, vont former une légion russe qui s'illustrera en 1918 dans les batailles de la Somme, du Soissonnais, du Chemin des Dames… Environ 4 800 réfractaires seront envoyés en Algérie ou au Maroc pour travailler dans les mines ou le chemin de fer[19], alors que plus de 11000 Russes seront volontaires pour le travail en France.  Ils furent alors divisés en petites unités que l'on dispersa afin de pouvoir mieux les contrôler[20]. C'est ainsi que de juin 1918 à septembre 1918 un détachement de travailleurs russes arrive à Vesaignes sous Lafauche, en remplacement d'une compagnie de prisonniers de guerre allemands, qui cassent et transportent des pierres provenant d'une carrière ouverte pour l'entretien de la route nationale[21] avec des camions militaires à vapeur. Ce second séjour des russes dans la commune "ne laisse pas un bon souvenir par suite de ses déprédations aux vergers[22]", et plusieurs générations après les habitants des environs conservent de triste mémoire ces passages des russes pendant la première guerre mondiale sans plus en connaître la raison. Mais l'ont-ils connue un jour ? Tous les soldats russes seront finalement rapatriés à Odessa en 1919. Quelques dizaines d'entre eux s'installeront en France[23], y compris en Haute-Marne[24], et un de ces militaires deviendra ministre de la guerre dans son pays: Rodion Iakovlevitch Malinovski [25].

Didier DESNOUVAUX
Sources:       
* Archives départementales de la Haute-Marne: 246T1; 246T3; 246T6; 246T9.
* Rémi Adam: Histoire des soldats russes en France, 1915-1920. Les damnés de la guerre, Paris, L'Harmattan, 1996.
* Rémi Adam: 1917, la révolte des soldats russes en France. Les Bons Caractères, 2007.
* Cahiers bourmontais n°5 de 2006
* Pierre Poitevin: La mutinerie de la Courtine. Payot 1938
* Pierre Miquel: La grande guerre. Fayard 1983
* 20000 moujiks sans importance. Documentaire de Patrick Le Gall 1999
* Site internet de l’académie de Limoges et divers autres sur les évènements de la Courtine.


Annexes :
Tract N° 1 diffusé par les soldats Russes le 22 juin 1917
"Dès notre arrivée en France il y a un an et demi des bruits couraient que nous avions été achetés pour des munitions. Ces bruits se multipliaient de plus en plus et enfin on considérait le soldat Russe pas comme un homme, mais comme un objet. Les blessés, les malades on les traitaient d'une manière révoltante et de plus on leur appliquait une discipline de prison. Cela ne peut pas être autrement: le malade, le blessé cet homme incapable pour le service en d'autres termes un objet inutile. Donc, avec un objet inutile, il ne faut pas et ce n'est pas reçu de faire des façons.
Nous, soldats bien portants, pour le moment nous sommes objets utiles ayant son prix qu'on appelle la capacité pour le combat. Mais au premier combat, une partie de nous perdra ce prix, on les blessera et cette partie donc suivra le sort déplorable des objets inutiles jetés dans les hôpitaux. Chacun de nous attend ici une telle possibilité, mais chacun de nous veut l'éviter. La seule ressource pour cela: c'est de s'unifier et catégoriquement refuser d'aller sur le front français. Et nous, nous sommes décidés à cela. Aucune assurance des chefs, des nôtres et ceux des français, nous forceront de renoncer à cette décision. Pendant plus de 2 mois on nous répète que la situation des blessés s'est améliorée, et, pourtant, on ne voit pas de résultat. Au contraire, dans les dizaines de lettres que nous recevons chaque jour des hôpitaux on n'entend qu'une lamentation continue de la situation sans issue. Des blessés qui rentrent approuvent unanimement cela. La notre situation avant le coup d'Etat était pénible, c'est qu'après lui elle s'est encore empirée. Le laborieux peuple Russe témoigne une grande pression au profit de la paix. Mais cela n'est pas du goût de la France bourgeoise; sachez que pour elle, la guerre est avantageuse, elle lui apporte des intérêts. Voilà pourquoi, la majorité des français se trouvant sous l'influence de sa bourgeoisie, se montre pour nous au plus haut degré méfiante nous insulte et nous humilie.
Enfin irrésistiblement nous sommes attirés vers la Russie; l'amour du pays natal, vers les parents et vers ceux qui nous sont chers. Que nous puissions encore une fois embrasser notre femme, caresser nos enfants, voir les chers visages de nos parents avant la mort. Voilà de quoi sont altérés nos cœurs.
Le dur militarisme n'a pas étouffé ces sentiments. Non ces sentiments s'enflamment de plus en plus et rien qui ne nous donne satisfaction alors nous ferons voir notre force pour poursuivre le combat.
Donc encore une fois, nous prions, nous exigeons et nous insistons qu'on nous renvoie en Russie. Envoyez nous là, d'où nous avons été chassés par la volonté de Nicolas le sanglant. La bas en Russie, nous saurons être et nous serons du côté de la liberté, du côté du peuple laborieux et orphelin.
Là, c'est avec la plus grande des joies que nous livrerons notre vie pour le grand et libre peuple Russe.
Sauf tout ce que nous avons dit, nous avons résolu de ne pas aller à l'exercice ici en France. Qu'on appelle ce pas illégal, criminel, nous n'avons pas d'autres moyens de nous faire entendre. Nous connaissons le prix de toutes ces promesses; nous savons que sans pression elles resteront mortes et non raisonnantes."

 Tract N° 2 diffusé par les soldats Russes
Camarades !
Refusez catégoriquement tout travail particulier et également d'aller au front. On nous trompe en nous disant qu'il n'y a pas de vaisseaux. Ce sont des mensonges ! Ils ne veulent pas nous renvoyer en Russie au secours de nos pères et de nos frères !
Le commandement s'efforce de nous employer de diverses manières et même de nous envoyer au front pour défendre la Bourgeoisie française.
Camarades ! sachez que l'heure est proche de notre retour tant attendu en Russie.

Tous en Russie! Hurrah ! A bas les tyrans !

Sources : Archives départementales de la Creuse.




[1] Svoboda veut dire liberté en russe.
[2] Après trois années d’une guerre meurtrière et indécise dont nul n’entrevoyait la fin, la lassitude touchait l’ensemble des armées européennes dont le moral était au plus bas. A l’intérieur des troupes françaises, l’échec sanglant de l’offensive Nivelle sur le Chemin des Dames au printemps 1917 ainsi que les conditions de vie effroyables dans le froid, la boue, le déluge d’obus auxquelles il faut ajouter le report des permissions provoquent une montée de la grogne parmi les hommes au front. Des mutineries virent le jour que le remplacement du général Nivelle par Pétain ne freina pas véritablement. Des mouvements similaires se développaient dans le même temps parmi les autres armées européennes impliquées dans le conflit, y compris dans les rangs des volontaires russes qui en plus étaient marqués par les récents évènements de Russie.
[3] Rodion Malinovski raconte "la chaleur et l'enthousiasme avec lesquels les français nous accueillirent sur leur sol furent inoubliables. La foule des marseillais remplissait le port et les rues avoisinantes…."
[4] In le Crapouillot. Numéro spécial juin 1931, les mystères de la grande guerre, p58.
[5] A défaut d'archives précises il est difficile d'apprécier le nombre exact de soldats qui arrivèrent à la fin mai car dès le 23 avril le fractionnement des unités russes a été opéré afin d'éviter que ne se forme une masse hostile difficile à contenir. Selon certaines sources une partie des militaires serait arrivée aux alentours de Neufchâteau dès la fin avril; ce qui n'est pas le cas dans le canton de Saint-Blin ou tous les instituteurs indiquent entre le 25 et le 27 du mois de mai.  De même certains situent à Neufchateau le défilé des militaires russes du 1er mai 1917 (calendrier orthodoxe), chantant la Marseillaise, et qui tourne à la rébellion : sur les drapeaux certains soldats russes ont inscrit « Liberté », sur d'autres des oriflammes rouges sont accrochés… Ce serait suite à cette rébellion qu'ils auraient été isolés dans les villages environnants rejoints par le reste de la 1ère division.
[6] Par commodité pour la compréhension du texte les brigades continueront à être appelées de la même manière, alors qu'en réalité à partir du 5 juin 1917 les 1ère et 3ème brigades sont devenues les 1ère et 2ème brigades de la division.
[7] Essentiellement dans les villages de Goncourt, Saint-Thiébaut et Bourmont.
[8] Les soldats logent dans les villages situés dans la vallée: Chalvraines, Semilly, Saint-Blin, Vesaignes sous Lafauche et Prez sous Lafauche. Il n'y en a pas eu au delà de Saint-Blin, ni à Liffol le Petit en raison de l'hôpital militaire qui était aménagé dans cette commune.
[9] Il commandait le 1er régiment en provenance de Moscou. Et le colonel Diakonov le 2ème régiment; le tout sous les ordres du général Lochvitsky.
[10] Adam: 1917, la révolte des soldats russes en France.
[11] Les colonels Narbout et Simonov commandaient respectivement les 5ème et 6ème régiments de la 3ème brigade.
[12] Il s'agissait probablement d'officiers car la solde des soldats russes était insuffisante pour se permettre de tels achats: Un général recevait environ 1200F; un capitaine 540F; un lieutenant 420F; un soldat de 2ème classe 7,50F. A cette solde s'ajoutait une prime de cherté de la vie de 300F pour le général et de 15F par mois pour le soldat. 
[13] Tous ne semblent pas avoir été logés dans des granges comme à Goncourt. Il est possible qu'ils aient utilisé les baraquements Adrian qui étaient en cours de construction pour préparer l'arrivée des américains.
[14] Noël Marie Joseph Edouard de Curières de Castelnau (1851-1944) était le général commandant du groupe d'armées de l'Est. Il connaissait bien la Russie pour y avoir été en mission officielle de liaison en janvier 1917. Le général de Castelnau participera à la grande offensive de la victoire de 1918 et entrera triomphalement dans Colmar, puis à Strasbourg. Ses convictions catholiques et ont suscité pendant les années de guerre de vives tensions entre les membres du gouvernement d'Union nationale qui ont souvent été tentés de l'écarter. Cela seul semble pouvoir expliquer qu'il n'ait reçu le bâton de Maréchal de France.
[15] C'est le domicile de la gantière du village Mme Garodel
[16] C'est ainsi que le 26 octobre 1917 est constituée à Bourmont la 2ème division d'infanterie du corps expéditionnaire américain, dite division à "tête d'indien" qui va s'illustrer en juillet-août 1918 à Verdun, Vaux, Saint Mihiel…
[17] Certaines sources évaluent le nombre des victimes à plusieurs milliers. C'est sans doute entre ces deux chiffres qu'il faut estimer les pertes dans les rangs russes.
[18] Si les rebellions françaises sont relativement bien connue, bien que le nombre des fusillés diverge, côté anglais, une mutinerie qui a duré quelques jours dans le camp d’Étaples sur le littoral français du Pas-de-Calais, a été très durement réprimée en 1917. Ce camp a accueilli jusqu’à 80 000 soldats anglais et du Commonwealth pour les préparer aux rigueurs du front. Les armées anglaises et française conviendront de garder le secret sur cette affaire jusqu’en 2017, date à laquelle les archives anglaises devraient être ouvertes. Des mutineries ont également eu lieu dans les rangs de l'armée allemande. Mais Pétain qui prétendait avoir ramené le calme dans les troupes avec une petite cinquantaine de fusillés pour l'exemple a bien sur oublié de parler de ces épisodes bien peu glorieux.
[19] Ils ont été aussi très souvent exploités en Algérie par des colons avides de main d'œuvre.
[20] Ces compagnies de travail fournirent ainsi une main d'oeuvre bon marché à l'agriculture, ou aux entreprises françaises.
[21] Aujourd'hui RD 674
[22] Remarque de l'instituteur de Vesaignes sous Lafauche consignée dans l'enquête demandée par ministère de l’instruction publique  puis par la préfecture en 1920.
[23] Ce sont généralement des officiers qui s’installent en France. L’autorisation ne leur est donnée qu’après une enquête détaillée des services de la Sûreté générale et la présentation d’un certificat de leur employeur.
[24] C'est le cas de Grigori Zoubtchenko qui se marie en 1919 avec une fille de Graffigny Chemin et s'installe à Doncourt sur Meuse.
[25] Rodion Malinowski (1898-1967) qui était mitrailleur du 2ème régiment puis soldat de première classe dans la première brigade rejoindra la légion russe et continuera le combat sur le front français. Il y gagnera une citation sur le plateau de Laffaux près de Soissons en 1918, et deviendra maréchal de l'armée rouge en 1945 puis ministre de la défense sous Kroutchev et Brejnev. Il écrira un livre sur cette période: Russkie soldaty vo Frantsii

dimanche 4 octobre 2009

La gare de Prez sous Lafauche

ou quand chaque village voulait sa gare....


En 1857 les municipalités de Neufchateau et Chaumont entreprennent des démarches pour obtenir le chemin de fer dans leurs localités. La Ligne Bologne Neufchâteau est déclarée d’utilité publique le 14 juin 1861. Le 8 octobre de la même année, le conseil municipal de Prez sous Lafauche vote une somme de 20.000,00  francs pour créer une route reliant la commune au « Bassigny » pour faciliter « l’accès de la station du chemin de fer, si elle était établie près de ce village de préférence aux environs de Saint Blin ou de Vesaignes » par emprunt du chemin d’intérêt communal n°48 jusqu’à la ferme de Dosme et de là à Illoud. Le service de voirie départemental n’y voit aucun avantage, il considère que le but de la commune de Prez est d’avoir la ligne sur son territoire .
Un mois après, le 10 novembre, le conseil municipal de Lafauche vote la somme de 800 Francs pour que la gare soit à Prez sous Lafauche, et celui d’Aillianville émet le voeu que la gare soit établie à Prez. Dans les mêmes moments, les communes de Lézéville, Laneuville aux bois, Bréchainville, Chambroncourt, Morionvilliers, Leurville, Germay, Landeville et Pautaines font la même demande.
Dans l’étude pour l’établissement de la ligne Chaumont à Toul il a été recherché à déterminer le lieu idéal pour implanter la gare entre Rimaucourt et Liffol le Grand. Prez sous Lafauche était à équidistance. Cependant lors de la commission d’enquête il a été proposé d’établir la gare entre Vesaignes sous Lafauche et Semilly dans l’intérêt du Bassigny. Topographiquement il y a 1.200 mètres d’écart pour lier le Bassigny à Prez sous Lafauche ou à Semilly.
Le 28 janvier 1862, le tracé de la voie de chemin de fer est approuvé.
Le 4 mai 1862 le conseil de Prez demande à nouveau une gare aux motifs « que la question de plus ou moins de distance est une question secondaire ; que la principale (et celle là est capitale pour le pays) consiste sur le fait incontestable à savoir que le chemin de fer anéantira la route impériale de Neufchâteau à Bony sur Loire ; que la route perdue et faute de station, Prez redeviendra ce qu’il était avant la création de la route, un pays sans commerce et sans industrie, et qu’on peut prédire, sans être accusé de pessimisme, la décroissance de sa population et la diminution dans la valeur de ses propriétés pour un avenir peu éloigné… » le conseil municipal vote alors 28.000,00  Francs pour qu’y soit établi une gare en plus des 2.000,00  Francs déjà votés en 1861 (les 20.000,00 F étaient alors pour la route).
A cette époque là, le trafic de la route impériale construite en 1828 à Prez sous Lafauche est le suivant «La poste aux chevaux n’a plus qu’une existence nominale », « 4 ou 5 voitures de roulage accéléré font le service régulier » entre Neufchateau et Chaumont, ou Bologne. Trois voitures publiques passent matin et soir. La tuilerie de Prez sous Lafauche fabrique de 400.000 à 500.000 tuiles par an. A Liffol le Petit deux usines métallurgiques qui battent la fonte sont en activité. Trampot est réputé pour ses carrières de pierre dure qui exportent leurs produits sur de longues distances, et Grand produit 200.000 kilos de clous exportés pour les trois quart sur le midi en passant forcément par Prez sous Lafauche. Il y a également un fort transit de bois.
Le rapport de la commission d’enquête fait ressortir que Saint Blin a obtenu sa gare, et que les habitants de Prez sous Lafauche ont leur bassin de vie à Neufchateau ; ce qui les oblige à aller soit à Liffol le Grand, commune distante de 8 kms, soit à Saint Blin, 5 kilomètres, pour y prendre le train, et qu’il n’est pas logique d’aller à Saint Blin prendre le train à destination de Neufchateau parce que c’est en sens opposé.
Le 18 mai 1862 le conseil d’Aillianville vote alors une somme de 2.000,00  Francs pour l’implantation de la gare, plus 2.000,00  F qui sont destinés à l’amélioration du chemin entre Aillianville et la gare.
Un an après, le 15 février 1863 la commission d’enquête émet un avis favorable à ce qu’une gare soit implantée sur le territoire de Prez sous Lafauche, mais le conseil municipal veut que ce soit au lieudit les fourches, et non pas à proximité de Liffol le Petit qui offre 15.000,00  Francs pour avoir une gare. Si cependant ladite gare devait être éloignée de 1.700 mètres la commune de Prez ne mettrait plus que 15.000,00  Francs sur la table.
Le 19 août 1863 le conseil municipal d’Aillianville vote alors une somme de 4.000,00 Francs pour l’établissement d’une gare « à peu près à égale distance de Prez et Liffol le Petit ». Il n’est plus question du chemin. Les communes, par leurs votes, ont ainsi pris des engagements pour un financement de 52.000,00 Francs ; Aillianville 4.000,00 F, Prez sous Lafauche 30.000,00 F, Liffol le Petit 15.000,00 F, et Lafauche 3.000,00  Francs.
L’administration trancha et décida de l’implantation de la gare au lieu où elle a servi à des milliers de voyageurs. L’emplacement y était logique ; la gare « serait placée entre Prez sous Lafauche et Liffol le Petit, à 1 kilomètre environ de la première commune et au nord de la voie… la route impériale passe à une centaine de mêtres… et une source intarissable qui jaillit a proximité permet d’y avoir de l’eau en tout temps ». 257 propriétés appartenant à 99 personnes différentes sont concernées par le passage de la ligne sur le territoire de Prez sous Lafauche. Le plan parcellaire est établi le 4 avril 1864, les indemnisations suivront, et les travaux commenceront rapidement puisque le décret d’utilité publique est publié la même année. La mise en service aura lieu le 14 août 1867.
Mais les communes se feront, quant à elles, tirer l’oreille pour payer. Le 25 mars 1867, la Compagnie des Chemins de Fer de l’Est réclame toujours les 30.000,00  Francs promis par Prez sous Lafauche qui ne veut payer que moitié. Le 8 mai 1868, Liffol le Petit se dit prêt à solder la subvention de 15.000,00  Francs. Lafauche demande « un sursis de 5 à 6 ans jusqu’au moment de la coupe des bois communaux », ce que lui accorde la Compagnie des Chemins de Fer. La commune d’Aillianville n’a pas répondu à la demande de paiement du 8 mars 1867.
Le 24 mars 1869, le conseil municipal de Prez sous Lafauche autorise le maire à défendre les intérêts de la commune contre la Compagnie des Chemins de Fer à cause du non paiement des 30.000,00  Francs promis. Le directeur de la Compagnie des Chemins de Fer de l’Est accepte de transiger à 20.000,00  Francs parce que la gare est éloignée du centre du village.
Comment cela s’est il terminé ? Les communes ont-elles toutes payé ? Les archives sont muettes à ce sujet, mais on peut présumer qu’elles ont été obligées d’honorer leurs engagements.
Au début du XXème siècle de nouveaux projets émergent.
14 mai 1905 le conseil municipal  d'Aillianville dit qu’il n’a aucun avantage à la construction d’une ligne de chemin de fer à voie étroite et n’est pas disposé à verser de subvention. Peut être se souvenait-il de ce qui s’était passé précédemment ?
L’année d’après, un rapport daté du 16 octobre 1906 est publié. Il projette la création d'un chemin de fer d'intérêt local permettant de relier les lignes déjà existantes. On y relève le projet d'une ligne reliant Bourdons (Pont Minard) à Poissons (Gare) par Consigny, Clinchamp, Chalvraines, Prez sous Lafauche (Gare), Lafauche, Aillianville, Leurville, Augeville et Annonville. Seulement le tracé présente de sérieuses difficultés aux deux grandes montées de Bourdons à Consigny et de Lafauche à Aillianville. Une variante fut également proposée reliant Bourdons à Soulaincourt. Elle modifiait le trajet à partir d'Aillianville en rejoignant Chambroncourt, Germisay et Germay.
Le 7 novembre 1906 le conseil municipal demande alors l’établissement d’une voie de chemin de fer à voie étroite venant de Bourdons et qui serait utile pour le commerce des bois. Les difficultés précédemment rencontrées, à savoir les fortes pentes, n’ayant pas trouvé de solution, les deux projets furent abandonnés.
Le trafic voyageur de la ligne Bologne Neufchâteau a cessé le 31 mai 1970, et la voie, désormais unique, a véhiculé un trafic restreint de marchandises pour l’usine Tréfilac de Manois jusqu’à la fin 2008, avec un terminus à Rimaucourt pour les transports des grains ; le réseau étant désaffecté est réservé à une activité touristique sur l’autre portion.


Didier Desnouvaux


Sources : Archives Départementales de Haute-Marne cotes 84-S-3 ; 84-S-4 ; Daguin 375.

dimanche 20 septembre 2009

Incendie chez le marchand de vin


QUAND UNE FAUTE D'INATTENTION MÈNE AU DRAME

Le 15 juin 1865 vers 10 heures du matin un incendie a éclaté dans un cellier rempli de tonneaux, les uns contenant de l'esprit de vin, les autres de l'eau de vie ou du vin, appartenant à monsieur Jean Joseph Prosper Teyssandier, 34 ans, marchand de vins en gros à Chaumont (maison Teyssandier-Lambarède). Aux premier cris d'alarme poussés par François Grapinet, employé de ce dernier, divers habitants sont entrés dans le cellier où se trouvait un fut d'esprit de vin d'une contenance de 6 hectolitres. Celui ci commençait à s'enflammer. Les habitants l'ont redressé, et au même moment il a explosé brûlant plus ou moins grièvement les personnes présentes. Leurs vêtements en feu tous se sont rués vers la sortie, gagnant tant bien que mal l'air libre, tandis que les plus atteints n'ont pu faire que quelques mètres avant de s'écrouler asphyxiés par les gaz de l'explosion. Sont ainsi tués sur le coup:
- Vincent Bordot, aubergiste père de trois enfants, peu aisé.
- Jules Mansiot, chaudronnier, de condition modeste avec deux enfants à charge.
- Geneviève Huot, épouse du brigadier des forêts Doyen.
Plusieurs autres décèderont plus tard:
- Théophile Oriot, relieur malheureux père de trois enfants.
- Marcellin Dimey, perruquier coiffeur, mort de brûlures généralisées aux 2ème et 3ème degré.
- François Armand dit Grapinet, domestique, marié sans enfant.
- Céline Narita, 23 ans, épouse du négociant Teyssandier, mère d'un jeune enfant. Elle décèdera des suites de ses brûlures aux 3ème et 4ème degré.
- Claude Lombard, ouvrier cordonnier
- Emile Guilemin, épicier boulanger, déjà père de trois enfants et dont la femme en attendait un autre.
- Jean Willis, ouvrier maçon, trois enfants à charge.
Heureusement plusieurs secouristes improvisés se remettront de leurs blessures:
- Marie Anne Chauchard, mère de deux enfants, épouse du garçon boulanger Claude Nancey.
- Louis Carrichon, perruquier.
- Urbain Delacroix, propriétaire, ancien notaire.
- Charles Lecomte, menuisier père de deux enfants.
- Gaullet, carrossier.
En rapprochant la liste des blessés du constat fait par la gendarmerie, il ressort qu'une victime n'est pas mentionnée puisqu'il y aurait eu 6 personnes plus ou moins sérieusement atteintes. La dernière est elle Marie Gropas, 20 ans, domestique du couple Teyssandier, où s'occupait-elle alors du petit Henry alors âgé de 2 ans, fils de ses patrons ?
Plusieurs compagnies de sapeurs pompiers sont intervenus sur ce sinistre. La première sur les lieux est celle de la ville; elle sera rapidement renforcée par la brigade de la gare, et aura l'aide des habitants les plus proches. Le sinistre dura environ 1 heure, et les pertes matérielles s'avèrent peu importantes puisqu'elles consistent essentiellement en vins et autres boissons alcoolisées. Il n'en est malheureusement pas de même du bilan humain. Une des victimes a pu apporter son témoignage à la gendarmerie: François Grapinet. Celui ci en donne la cause suivante: Au moment où il allait mettre une clanche (?) au fut de 6 hectolitres d'esprit de vin, en avait laissé coulé. Madame Teyssandier est venue et le lui a fait observer. Celle ci, un peu imprudente, aurait prit la lampe qui éclairait le commis et l'aurait approché du liquide qui prit immédiatement feu.
Compte tenu de la misère dans laquelle se trouvèrent la plupart des familles touchées par le drame, le ministère de l'intérieur leur a accordé un secours de 500 F qui fut réparti proportionnellement à leur situation de fortune. Le 24 juin suivant, l'Empereur accordera 2000 Francs aux familles des défunts.

Didier Desnouvaux

Sources ADHM 96M3

samedi 15 août 2009

La série G au service de l'amateur d'histoire(s)

LA SERIE G AUX ARCHIVES DEPARTEMENTALES

Les registres paroissiaux se contentent d'enregistrer les Baptêmes, Mariages, Sépultures mais, sauf à de très rares exceptions (1), ils sont peu prolixes sur la vie de nos ancêtres. Si la plupart des généalogistes connaissent les insinuations classées dans la série G des archives départementales, les documents de l'officialité de l'évêché de Langres sont une mine de renseignements supplémentaires pour découvrir les dessous des principaux évènements qui rythmèrent la vie de nos aïeux. Ames sensibles s'abstenir, car toute ressemblance avec des personnes ayant existé n'est pas fortuite et vous pourriez fort bien y trouver les sept péchés capitaux de vos prédécesseurs... (2). Les jugements de l'officialité vous changeront du "carnet mondain" des registres paroissiaux. Ils peuvent se lire comme les faits divers d'un journal à sensation et n'ont comme limite que celle de la bêtise humaine (3) , mais ils sont assurément d'un grand secours pour celui qui veut mieux comprendre la vie de l'Ancien Régime et compléter ses travaux généalogiques.


LE MARIAGE N'EST PAS LA MER A BOIRE. PAS SI SUR !
Ce n'est pas toujours facile d'arriver à se marier,
20/09/1738 Enquête et dispense de consanguinité pour le mariage d'Edmond Gobillot, menuisier à Millières, avec Catherine Aubertin (G1108 F°47-48).
Cela ressemble au parcours d'obstacles…
Du 28/12/1746 au 19/01/1747 Requête des parties, enquête par le curé d'Andelot, commis par l'official et procès verbal de fulmination du bref de dispense de double affinité en faveur de Claude Couhey, praticien à Andelot, et Marguerite Dinet de la paroisse d'Andelot. (G1122 F°50-52)
… car attention aux promesses…
Nicole Viard, de Montigny, assigne Mammès Bezançon pour l'obliger à exécuter ses promesses de mariage (G1104 F°61)
… que l'on rappelle avec une certaine diplomatie…
1767 Sommation respectueuse adressée à la dame de Giez, dame de Villars en Azois, par sa fille Catherine de Giez, en vue du mariage de cette dernière avec le sieur Claude Charles Polin, fils de feu Me Pierre Polin procureur du Roi au grenier à sel d'Arc en Barrois et de dame Marie Jeanne Toussaint, entrepreneur de la manufacture de savon établie à Saint Loup. (G1165 F°21)
… mais qui entraînent des obligations.
15/09/1764 Requête de Marie Munier de Courcelles, à l'effet d'obliger François Frejacques dudit lieu, à prendre jour pour la célébration de son mariage. (G1136 F°40)
Le mariage, c'est parfois la belle mère à avaler,
Opposition d'Anne Fagotin, veuve Millet de Chaumont, au mariage de son fils avec Jeanne Finot (G1102 F°3)
….quand ce ne sont pas les parents!
05/01/1737 Opposition faite par les parents de François Chevilley, compagnon boulanger à Langres, à son mariage projeté avec Catherine Champion. (G1106 F°22)
Parfois cela s'arrange…
09/01/1764 Ordonnance déclarant qu'il sera passé outre à l'opposition faite au mariage de Jeanne Chevallier de Bonnecourt avec Jacques Gillot de Brevannes. (G 1136 F°2)
…. si le curé veut bien faire son travail…
1758 Me Claude François Legros, curé de Montigny sur Vingeanne (21) est condamné à publier les bans du futur mariage entre François Andriot, menuisier à Buxières les Belmont, demandeur, avec Claire Chouet. (G 1163 F°83)
…. Correctement…
23/05 et 16/06/1772 Procédure extraordinaire contre le sieur Pierre Richard, curé d'Arbigny sous Varennes, inculpé d'avoir célébré sciemment plusieurs mariages contraires aux règles de l'Eglise et de l'Etat. (G1142 F°1-2)
…..sinon il faut payer.
18/02 et 03/03/1773 Procédure pour la réhabilitation du mariage de Didier Varney et de Jeanne Donnot de Prauthoy, parents au quatrième degré de consanguinité. (G1142 F°99-113)
Mais même après ce n'est pas gagné!
21/01/1743 Interrogatoire de Charles Moignot, vigneron à Grancey sur Ource (21) et d'Anne Chardin, sa femme, demanderesse en nullité de mariage pour cause d'impuissance de son mari. (G1117 F°6)
Le 05/08/1743 procès verbal de présentation des experts pour la demande en nullité du mariage Moignot/Chardin (G1118 F°9). Les 13 et 16/09/1743, les sieurs Charles, médecin, Mauclerc et Oubert rendent leur rapport sur l'accusation d'impuissance. (G1118 F°15) …..
Les maladies sont parfois un faux prétexte…
20/11/1759 Geneviève Prodon ayant déclaré qu'elle n'entendait point épouser Anselme Bailly, parce qu'elle a appris que celui ci était encore indisposé d'un reste d'une maladie antérieure, les parties sont renvoyées libres et la défenderesse condamnée aux dépens. (G1157 F°18)
…. ou une contre-indication légitime.
13/11/1766 Madeleine Prenier ayant déclaré qu'elle avait promis d'épouser Nicolas Jacquinet, mais que ce dernier ayant eu une maladie dangereuse, elle n'entendait plus contracter ledit mariage, les parties sont renvoyées libres. (G1158 F°9)
Comme quoi mieux vaut s'en assurer avant,...
25/11/1737 François Lecompte, défendeur, ayant déclaré n'avoir fait aucune promesse de mariage à Marguerite Jourd'heuil, ne l'avoir jamais connue charnellement et qu'elle n'est point enceinte de ses œuvres, la demanderesse est déboutée de sa demande et condamnée aux dépens. (G1154 F°1)
…sinon il faut réparer.
22/05/1754 Claude Horiot ayant reconnu avoir promis le mariage à Jeanne Thévenot et offrant d'épouser la demanderesse enceinte de ses œuvres, les parties pourront contracter mariage, à charge de justifier du consentement de leurs parents. (G1157 F°7)
Il ne faut pas avoir la tête vide, mais réfléchir, avant de s'engager.
26/01/1758 Procédure Entre Claude Girard, maréchal des logis au régiment d'Orléans, de présent à Langres, et Ursule Testevuide , pensionnaire au Couvent de la Visitation de ladite ville, défenderesse. (G1163 F°73) Cette dernière ayant déclaré qu'elle n'entendait plus exécuter les promesses de mariage faites au sieur Girard, les parties sont renvoyées libres et ladite Testevuide condamnée aux dépens. (G1157 F°15).
Parfois les amours déçus s'en mêlent,
09/09/1779 Marguerite Jouvin de Neuilly l'Evêque, est déboutée de son opposition au mariage d'Etienne Fourneret de la ferme du Mont Lambert, commune d'Orbigny au Mont, et de Pierrette Varney de la même paroisse. (G1160 F°24)
….ainsi le couvreur qui voulait construire son toit avec la fille du maçon.
28/01/1751 Hugues Déchanet, couvreur à Dampierre, défendeur, est débouté de son opposition au mariage de Marie Menne de Langres, demanderesse, avec Nicolas Rabelet dudit Langres. (G1163 F°1)
Si rien ne va plus, reste l'empoisonnement….
19/12/1741 Plainte du procureur du Roi en la prévôté royale de Coiffy, au sujet de l'empoisonnement de Jeanne Thimel, femme de Jean Carteron, décédée à Soyers. (G1114 F°37)
….dès le repas de noces….
01/03/1751 Plainte du procureur au bailliage ducal de Langres pour tentative d'empoisonnement au repas de noces des époux Chevilley-Cothereau. (G 1126 F°33-34)
…. parce qu'avoir un amant c'est risqué !
Anne Gaigneux d'Argentolles (10) se plaint d'avoir été victime d'une tentative d'assassinat de la part de son amant (G 1103 F° 118-119)

ALORS QUAND L'ENFANT ARRIVE.
On le baptise,
1727 Extrait de baptême de François, fils de Pierre-Antoine Desbarres, chevalier, de Coiffy, et de Rose Claire de Ville, son épouse. (G1105 F°54)
…..mais il y a parfois des problèmes…
08/05/1749 Requête d'Antoine Desgrey, maître coutelier à Langres, aux fins de rectification de l'acte de baptême de son fils Antoine, celui ci ayant été inscrit avec le prénom de Nicolas; suivie de l'enquête et de la sentence de l'official. (G 1124 F°20-21)
….même avec le curé….
Du 18/11 au 3/12/1752. Procédure extraordinaire pour le procureur du Roi au bailliage et siège présidial de Langres, demandeur et accusateur, sur la dénonciation de François Lhostel, manouvrier demeurant à Lannes, contre Me Antoine Duchesne, curé de Lannes, défendeur, accusé d'avoir refusé la communion à plusieurs de ses paroissiens, d'avoir refusé le baptême, d'avoir fouetté si cruellement un enfant que celui ci en est devenu sourd et imbécile… (G 1127 F°90-93)
… qui fait du zèle.
1776 Extrait de baptême d'un enfant provenant d'une fausse couche et qui n'avait que six semaines environ depuis sa conception, selon le témoignage de sa mère. (G1165 F°30)
D'autres le délaissent,
12/06/1773 Demande de monitoire au sujet d'un nouveau né déposé à la porte du presbytère de Frécourt (G 1142 F°129)
…mais mieux vaut ne pas être retrouvé; sauf par le généalogiste.
01/12/1741 Plainte du procureur fiscal au bailliage ducal de Langres, au sujet de l'abandon d'un enfant au pied de la croix appliquée contre la maison de Claude Thévenot, marchand épicier à Langres. (G1114 F°33) Pour en connaître les auteurs, il faudra lire la plainte nominative datée du 3 février suivant (G1115 F°8).
Pire…
19/05/1771 Plainte du procureur au bailliage de Varennes, au sujet de l'assassinat de Pierre Chaussin, âgé d'environ trois mois et trouvé mort dans son berceau, la tête coupée. (G1142 F°1-2)
…. l'infanticide.
31/01/1766 Permis d'informer sur un infanticide commis aux Loges. (G1136 F°63)

SI LA VIE N'EST PAS UN LONG FLEUVE TRANQUILLE. LA MORT NON PLUS.
Il n'y a pas moyen de mourir en paix.
17/10/1740 Procédure extraordinaire contre le sieur Surget, prêtre desservant la paroisse Saint Amâtre de Langres, qui aurait refusé les sacrements à Claudette Guérin, aurait empêché de mettre dans un cercueil le corps de la défunte et ordonné aux fossoyeurs de tirer le cadavre du lit où il était, de le traîner dans la rue, et de la rue jusqu'au cimetière. (G1112 F°14)
L'héritage se fait parfois attendre,...
Les héritiers de Pierre Feuillé et Pierrette Leguin sa femme, de Blaise, réclament leur mise en possession de l'héritage (G1105 F°35)
….quand il n'a pas disparu,...
30/04/1738 Détournement d'objets de la succession de Pierrette Jacques, veuve de Henri Paintendre, marchand à Biesles. (G1108 F°24)
…il est souvent convoité.
10/12/1737 Demande d'enquête à l'effet de rechercher les immeubles dépendant de la succession de Charlotte de Valois, femme de Charles Goujon, de Brevannes (G1107 F°38)
C'est la qu'on se rend compte que la généalogie sert à quelque chose.
07/12/1737 Requête des enfants de feu Michel Poinsot, laboureur à Epinant, à l'effet de faire rechercher leur degré de parenté avec feu Pierre Bezançon (G1107 F°37)
Mais il y a parfois des injustices…
24/04/1738 Anne Clerey, veuve de Michel Guenard de Cirey se plaint d'avoir été frustrée dans une succession. (G1108 F°21)
…. qui donnent lieu à dépôts de plainte contre X…
13/08/1739 Plainte par Denis Dubois et les autres héritiers de Sébastienne Maitret, de Thivet, pour détournement d'objets provenant de sa succession. (G1110 F°16)
…. ou nominative.
15/02/1742 Plainte de Joseph Pérard, laboureur à Rizaucourt et Eloi Pérard laboureur à Argentolles (10), contre leur belle mère, pour détournement au préjudice de la succession de Prudente Beausire, leur mère. (G1115 F°11).


Mais arrêtons là cette énumération. La série G comprend, outre l'évêché de Langres, les chapitres de Châteauvillain, Chaumont, La Mothe, Langres, et Reynel, mais aussi les fabriques des paroisses, cures, chapelles, confréries et ermitages; soit quelques milliers de références à exploiter pour aller encore plus loin dans la quête généalogique.


(1)On peut quelquefois relever une dispense de mariage concernant une circonstance peu ordinaire telle celle de l'union de Nicolas Bournot et d'Elisabeth Chantôme le 17/04/1769 à Vitry les Nogent: "aucun empêchement si ce n'est celui d'honnêteté publique que ladite Elisabeth Chantôme pourrait encourir en épousant ledit Bournot avec lequel sa propre soeur avait eu des promesses et deux bans publiés, duquel empêchement une dispense audit consentement nous a été gratuitement accordée par Monseigneur l'Evêque de Langres"
(2) Toutes les affaires qui suivent sont tirées du répertoire de la série G tome II des Archives Départementales de Haute Marne. La référence exacte du dossier est indiquée entre parenthèses.
(3) Tous types d'infractions y sont recensés, mais nous nous sommes volontairement limités aux trois grandes étapes de la vie.


Didier Desnouvaux

mardi 23 juin 2009

Les communes et la Révolution

NOMS REVOLUTIONNAIRES DES COMMUNES DE LA HAUTE MARNE

Arc en Barrois = Arc sur Aujon
Bourbonne les Bains = Buge les Bains
Bourg Sainte Marie = Bourg Marie / Bourg la Marie
Châteauvillain = Ville sur Aujon / Commune sur Aujon
Cirey le Château = Cirey sur Blaise
Coiffy la Ville = Coiffy le Bas
Coiffy le Château = Coiffy le Haut
Colombey les Deux Eglises = Colombey la Montagne
Lavilleneuve au Roi = Villeneuve les Montheries /La Villeneuve les Montheries
Montigny le Roi = Montigny source Meuse
Neuilly l’Evêque = Neuilly les Langres
Nogent le Roi = Nogent Haute Marne
Poiseul l’Evêque = Poiseul
Rozières et Sommevoire = Baubiac
Saint Broingt les Fosses = Broingt les Fosses
Saint Dizier = Belleforêt sur Marne
Saint Geosmes = Geômes
Toisfontaines la Ville = Troisfontaines
Voillecomte = Voille sur Héronne


CIRCONSCRIPTIONS ADMINISTRATIVES PENDANT LA REVOLUTION

District de Bourbonne les Bains
Cantons de
Bourbonne les Bains, Coiffy le Bas, Fresnes sur Apance, Laferté sur Amance, Montigny le Roi, Parnot, Pressigny, Rançonnières, Serqueux, Varennes sur Amance, Voisey

District de Bournont
Cantons de
Bourmont, Breuvannes, Clefmont, Huilliécourt, Longchamp les Millières, Meuvy, Prez sous Lafauche, Reynel, Saint Blin, Soulaucourt

District de Chaumont
Cantons de
Andelot, Arc en Barrois, Biesles, Blaise, Bologne, Bricon, Châteauvillain, Chaumont, Juzennecourt, Laferté sur Aube, Nogent en Bassigny, Poulangy, Vignory

District de Joinville
Cantons de
Curel, Doulaincourt, Doulevant le Château, Echenay, Joinville, Leschères sur le Blaiseron, Maizières les Joinville, Poissons, Saint Urbain sur Marne

District de Langres
Cantons de
Aprey, Auberive, Bussières les Belmont, Chalancey, Chalindrey, Courcelles Val d’Esnoms, Fayl Billot, Giey sur Aujon, Grenant, Heuilley le Grand, Hortes, Hûmes, Langres, Longeau, Montseaugeon, Neuilly l’Evêque, Rouvres sur Aube, Voisines.

District de Saint Dizier

Cantons de
Eclaron, Eurville, Fays, Laneuville à Rémy, Longeville sur la Laine, Montier en Der, Perthes, Saint Dizier, Sommevoire, Wassy.

Mandrin: légende ou réalité

LEGENDE OU REALITE

« - C’était en 1754 pendant un de mes semestres. Je revenais un soir de la chasse avec La Jeunesse, lorsqu’en descendant ce chemin que nous allons monter, nous aperçûmes, à la place même où nous sommes, une troupe de trois ou quatre cents hommes, à figures terribles, armés jusqu’aux dents et vêtus de mille façons toutes plus bizarres les unes que les autres. Ils étaient rangés en ligne de bataille, et exécutaient avec des fusils de tous les calibres des mouvements d’exercice qui leur étaient ordonnés par un homme à cheval qui paraissait leur chef.
Nous nous arrêtâmes, La Jeunesse et moi, ce qui du reste nous fit grand plaisir, car nous apportions sur nos épaules, depuis la forêt de Clefmont, un ragot de 190 livres. Un de nos chiens étonné de voir cette foule dans ce lieu ordinairement désert, se mit à hurler ; à ce bruit l’individu qui paraissait le chef tourna la tête, mit son cheval au galop et vint droit à nous.
-Ne seriez vous pas le marquis de Bologne ? me dit il d’un ton parfaitement poli, en ôtant son chapeau avec toute la bonne grâce d’un gentilhomme accompli ?
Je répondis affirmativement.
-Je sais - continua-t-il – que vous êtes un des meilleurs officiers des armées du roi, et vous m’obligeriez si vous vouliez bien faire manœuvrer mes gens pendant quelques minutes. J’ai un peu oublié tout cela, et les drôles ne veulent pas m’écouter.
-A qui ai-je l’honneur de parler ? –demandai-je au cavalier, qui était un beau garçon, ma foi.
-Je suis la terreur de la gabelle, l’effroi des douaniers… mon nom est Mandrin.
-Comment donc, monsieur Mandrin ! Mais je suis enchanté de vous voir et je serais trop heureux de vous être agréable : et laissant mon sanglier sous la garde de La Jeunesse , je me présentai hardiment sur le front de cette bande de coquins, et je la fis manœuvrer pendant une bonne demi-heure ; puis nous nous séparâmes les meilleurs amis du monde. Le lendemain, on trouva sur la table de la cuisine, sans savoir qui les avait apportés là, deux paquets, l’un très gros et très lourd à mon adresse, l’autre petit et léger à l’adresse de ma pauvre femme. Le premier contenait douze livres d’excellent tabac de contrebande, le second une magnifique dentelle d’Angleterre : c’étaient deux témoignages de la reconnaissance de Mandrin…. »

Ecrivains et imagiers populaires ont fait de l’illustre contrebandier un des héros les plus familiers de leur époque . Louis Dominique Mandrin, « capitaine général des contrebandiers », est il réellement passé dans les forêts haut marnaises ? Même si on ne voit pas bien à quelle occasion, la réponse, tout comme l’affirmation ci dessus, appartiennent au domaine des hypothèses. Après tout, pourquoi pas !

Pendant l’année 1754, il n’entreprend pas moins de six campagnes contre la Ferme générale.
Au début de chacune d’elles, il achète du tabac et quelques autres marchandises en Suisse et dans le duché indépendant de Savoie, puis pénètre ensuite en territoire français avec quelques dizaines de complices, investit une ville ou une autre et vend ses marchandises au vu et au su de chacun, pour la plus grande satisfaction des habitants, ravis de l'aubaine. Louis Mandrin a l'idée, lors d'une campagne, à Rodez, de «vendre» ses marchandises aux employés locaux de la Ferme sous la menace des armes. En d'autres termes, il pille les caisses de l'institution. En octobre, sa cinquième campagne, au Puy, tourne mal. Elle lui vaut une grave blessure au bras suite à un échange de tirs avec les troupes de la Ferme générale. Cette dernière obtient alors du roi l'intervention de l'armée. Mandrin, qui eut tant aimé servir comme officier, est désolé par la perspective d'avoir à affronter des soldats royaux. Le régiment de chasseurs intervient précisément lorsque le contrebandier lance sa sixième campagne, à Autun et Beaune, le 19 décembre 1754. Les malfrats sont pris en chasse alors qu'ils quittent Autun, mais Mandrin arrive in extremis à s'enfuir en Savoie, non sans avoir massacré quatre employés de la Ferme le 22 décembre au Breuil près de Vichy.

Le capitaine des troupes de la Ferme générale déguise alors 500 de ses hommes en paysans et les fait pénétrer en toute illégalité sur le territoire du duché. Mandrin, est pris avec trois comparses et ramené en France, à Valence. Indigné par la violation de son territoire, le duc Charles-Emmanuel III de Savoie demande à son neveu, Louis XV, la restitution du prisonnier. Comme le roi de France s'apprête à lui céder, la Ferme générale accélère les formalités de jugement de son ennemi juré. La condamnation tombe le 24 mai 1755 et elle est exécutée deux jours plus tard. Il subit d'abord la torture des brodequins: ses jambes sont écrasées entre deux planches en vue de lui faire avouer le nom de ses complices; puis il est conduit à l'échafaud sur la place du Présidial. Le bourreau brise alors ses membres à coups de barre et expose le condamné face au ciel sur une roue de carrosse. Le fier contrebandier supporte le supplice sans mot dire. Au bout de huit minutes, le bourreau l'étrangle à la demande de l'évêque, touché par son repentir, mettant ainsi fin à ses souffrances.
Malgré ses nombreux crimes, la légende de Mandrin n’a fait que croître et embellir. De son vivant les colporteurs et autres marchands ambulants célébraient ses exploits. Voltaire osa même quelques lignes : « On prétend à présent qu’ils n’ont plus besoin d’asile, et que Mandrin, leur chef, est dans le cœur du royaume, à la tête de six mille hommes déterminés ; que les soldats désertent les troupes pour se ranger sous ses drapeaux, et que s’il a encore quelques succès, il se verra bientôt à la tête d’une grande armée. Il y a trois mois, ce n’était qu’un voleur ; c’est à présent un conquérant. »

Toutefois deux éléments sèment le doute sur la crédibilité de ce récit. Ecot tout comme Clinchamp Millières et Esnouveaux étaient les passages obligés des contrebandiers-faux-sauniers en provenance d’Ozières , et de ce fait le secteur était parcouru régulièrement par les gabelous des différentes brigades sillonnant le secteur. Ce n’est probablement pas le meilleur endroit pour s’y réfugier, même quant on s’appelle Mandrin.
Le second doute concerne la récompense apportée le lendemain au château du marquis Charles Camille Capizuchi de Bologne. Cet événement ne trouble pas l’abbé Paul Maitrier, qui donne pourtant avec précision les renseignements biographiques de la famille du marquis de Bologne et qui relate brièvement l’histoire du cadeau de Mandrin , ni Paul Laforêt dans sa biographie « un veneur d’autrefois », qui, bien qu’ayant rencontré les descendants et autres parents de la fille du marquis, prend cette histoire au mot : Il y a un présent pour l’épouse du marquis. Or celle ci, née Françoise Antoinette de Choiseul Beaupré, était décédée depuis le 17 avril 1751 alors qu’elle mettait au monde une fille : Marguerite Françoise . De plus depuis cette date le marquis de Bologne avait fixé sa résidence cynégétique à Thivet, donc bien loin de Clefmont avec de nombreuses brigades de ferme ou de capitaineries à traverser, et il ne revenait plus à Ecot la Combe que pour les fêtes et autres unions familiales.

Quand le doute s’emmêle, reconstituer la vie de nos ancêtres est parfois bien compliqué. Mais finalement qui ne connaît pas de récits cynégétiques légèrement enjolivés ? Surtout quand celui qui les raconte est le propre neveu du héros, et de surcroît chasseur lui même !

Didier DESNOUVAUX

Témoignage sur l'invasion de 1870

« QUELQUES NOTIONS SUR LES MALHEURS DE LA GUERRE DE L’ANNEE 1870 »


Le 1er mars 1871, Nicolas Marivet, vingt sept ans, cultivateur coutelier à Dampierre trempe sa plume dans l’encrier pour raconter les évènements de 1870 tels qu’il les a vus, vécus, entendus, ou ressentis. Naturellement, sa mémoire des dates est approximative, ses talents d’écrivain ainsi que son orthographe doivent être interprétés phonétiquement, mais son témoignage, véritable instantané de l’actualité de l’époque, a l’avantage d’avoir été écrit très tôt après les évènements. Son village a vécu l’occupation temporaire des Prussiens, le temps des fêtes de la fin de l’année 1870, et il en a subi personnellement les réquisitions alimentaires, avec en mémoire le carnage survenu à Nogent quelques jours auparavant. Marié depuis 1867, et père de famille, il ne semble pas avoir fait partie de la levée en masse des troupes , ni s’être présenté à l’enrôlement à Langres. Comment a t-il eu connaissance des évènements d’Alsace Moselle, ou de Paris ? Le mystère demeure ; cependant la proximité de Nogent et le rendu qu’il donne des évènements en font un témoin privilégié qui accentue encore l’horreur du massacre perpétré dans cette commune . Les autres narrateurs de ce carnage en font un récit similaire, pour Cavaniol , plus succinct pour un officier de l’armée française resté anonyme , ou justificateur comme le colonel prussien commandant les troupes basées à Chaumont . Ce document inédit rappellera donc, si besoin était, les horreurs de cette guerre qui nous arracha l’Alsace et une partie de la Lorraine.

« Lan 1870 grande sécheresse point de pluie pendant tout lété chènevières ne sont pas semées ; peu de legumes, pommes de terre, passablement ; foin et trèfle très peu ; avoine et carèmages passablement ; Blé beaucoup assez grande quantité.
Dans cette même année, la mi Juillet ; un grand malheur est tombé sur la France ; guerre très grande est déclarée par Napoléon III à Guillaume Ier roi de Prusse ; Grande Bataille livrée entre ces deux provinces ; entre les deux frontières et perdue pour les Français Entrée des Prussiens en France par Vissembourg place forte 7.000 habitants les derniers du mois d’Aout ; aussitot entourage de Metz par les troupes Prussiennes ; troupes Françaises retirées dans cette ville dirigées par le Marechal Bazaine ; et Leboeuf, peu de temps après, le 1er novembre de la dite année capitulation de la dite Forteresse par les marechaux ci dessus avec materiaux de guerre et 120.000 hommes de troupes.
Avant cette capitulation grande bataille livrée à Sédan en Lorraine perdue par les Francais ; cest a cette Catastrophe que le grand Marechal Mac-Mahon à été Blessé ; et a remis le commandement au Général Vimphem ; et à cette bataille ; Napoléon III malgré la résistance du Général Vimphem ; qui a capitulé avec plus de 80.000 hommes ; hommes choisis de tous régiments pour la garde de lempereur ; plus de 500 pièces de canon et tous les materiaux de guerre tout à été livrés . Tous ces hommes et matériaux conduit en Prusse ; ainsi que Napoléon qui a été conduit dans la forteresse de Hesse-Cassel. Prusse.
Après ces capitulations la République a été déclarée ; ce qui fait la Durée des plus grands malheurs ; et qui entretient la guerre ; cette République ayant lévé tous les gardes mobiles ne sachant aucun éxercice cest les envoyer pour ainsi dire à la gueule de ces grandes bouches à feu Prussiennes ; après cette levée d’hommes ; la République a levé tous les hommes de 20 à 40 ans non maries et veuf sans enfants cette levée dans toute la France, dans le courant du mois d’Octobre, cette levée a été exécutée.
Cette levée appelée vieux garçons ou mobilisés ne sachant aucun exercice pour le maniment des armes ; la peur des ennemis ; fait que la levée de ces hommes Sont presque inutiles pour (manquant) de la patrie .
Après la grande capitulation de Sédan les Prussiens se sont dirigés sur Paris par la route de Chalons et peu de temps après Paris fut cernés, les Prussiens se sont emparés immédiatement de Versailles ; de tous les grands chateux ; et de plusieurs departements autour de Paris ; de sorte que les Parisiens ne peuvent sortir pour salimenter.
Grande bataille livrée à Orleans et remportée par larmée Prussienne contre larmée francaise ; armée de la Loire.
Strasbourg belle ville préfecture Du département du Ht Bas-Rhin, place forte de 75.000 habitants cette belle ville fut bombardée brulée en partie surtout ce que la France le monde entier la belle Bibliothèque fut brulée la belle voûte de la grande catédrale fut enfondrée à coup de bombes incendiaires et de boulet : Strasbourg fut donc oblige par la famine de se rendre et de capituler ; Ces héros qui ont si bien soutenu cette belle forteresse sont dignes déloges entre autre le général Ulric ; si les vivres navait pas manqué aurait tenu plus longtemps ; mais à fallu renoncer à soutenir la patrie pour la Faim de ses habitants ; le 15 octobre la ville est tombée sous le joug Prussien et 18.000 hommes dont 450 officiers superieur pour la défense de cette ville furent prisonniers et conduit immediatement en Prusse.
Dans le courant de ces quelques mois toute la France en émeute je dirai pour ainsi dire en desespoir, contre la souffrance de ses enfants, des victimes sur les champs de bataille ; sur le passage des troupes prussiennes ; autour des forteresses, et forteresses mêmes ; ces troupes prussiennes très nombreuses dans une grande partie de la France, mangeant tout sur leur passage sans que le pauvre Francais puisse Ouvrir la bouche ; au contraire toujours paraitre content, ou sans quoi ces hommes était toujours de mauvaise humeur.
Cette année stérile pour bien des choses nétait rien en comparaison des fléaux qui sont tombés sur la pauvre patrie , le tout, bétail, grains de tout espèce.
Le 15 novembre de la dite année les prussiens sont arrivés en éclaireurs , environ 200 par la route de Nogent ; le 16 du meme mois la troupe est arrivée dans notre village 2.000 hommes à pied et 80 hommes à cheval ; tous ces prussiens de la province de Brunsvic ; hommes tres polis ; assez bon caractère ; mais exigeant En nourriture ; mangeant et buvant tout le jour ; le matin en se levant café noir ; sans sucre avec un peu de pain ; aussitôt le déjeuner terminé ils se mettent a peler environ 20 litres de pommes de terre avec 4 kilo de bœuf et (un) 6 litre de vin pour 6 hommes le diner servi à midi ; après le diner se mettant à boire l’eau de vie, sans verre, buvant chacun par tour dans la bouteille ; vers deux heures après diner, se remettant à peler pommes de terre ; et les faisant cuire beignentes dans leau et les délayant avec le bouillon de leur viande, et les mangeant vers 4 heures, les uns Les autres mangeant du lard cru tout seigneant ; et le soir pour le souper café noir sans sucre avec du laid frais ; enfin pour ainsi dire ils ne font qu’un seul repas pendant tout le jour . Un mois après le 23 Décembre sont arrivés dans notre village et pays aux alentours véritable prussiens, poursuivant les mobiles, et franc tireur ; les ont poursuivis et battus à Neuilly et Prussiens sont couchés cette nuit à Neuilly et Frécourt Bonnecourt ; le lendemain sont revenus dans notre village 3.000 hommes à pied et 400 cavaliers sont revenus le 24 à 8 heures du matin et sont Restés pendant 4 jours ; les fêtes de Noël ont été célébrée bien tristement la plus grande partie de ces hommes ont assisté aux messes de ces beaux jours. Le 27 tous ces hommes se sont retirés sur la direction de Montigny sans savoir et sans dire leurs intentions. La durée des premiers venus dans notre village a été de 8 jours. Tous ces hommes sont venus dans nos pays principalement pour se nourrir convenablement, pour en chasser tous franc tireur et mobiles ; les uns disent que cest pour faire le siège de Langres petite forteresse mais en cela rien de certain. Le départ de ces derniers conduit par les cultivateurs de Dampierre se dirigent sur Bourbonne sans doute pour ravager tous ces bons pays.
Le 1er Decembre grande catastrophe à Nogent le roi, Prussiens sont venus dans cette ville quelques jours en avant venant en réquisition au nombre de 60 demandant 7.000 F et beaucoup de chariot de blé ; cétait un jour de marché ; le Maire de la dite ville envoie des estafets dans les pays aux environs ; en amusant les Prussiens pour chercher de la troupe Aussitôt deux heures apres les mobiles franc tireurs sont arrivés sur la demande du maire, et ont poursuivi ces hommes loin de la ville abandonnant tout ce quils avaient leurs sacs de militaires leurs fusils ; et ont été tués quelques uns ; Le lendemain Prussiens sont revenus dans cette ville a la charge au nombre de 600 à 7000 mais les mobiles sont revenus deux heures en retard ; Prussiens en entrant dans la ville enfonceant toutes les portes cassant tous les carreaux, mettant a mort plusieurs personnes quils Rencontrais et sen ont aller trouver monsieur le maire le menaceant de le fusiller lui disant quil avait livrer leurs hommes la veille le frappant a coup de sabre et l’ont blessés en plusieurs endroits Plusieurs des mobiles français de la veille setait retirer dans le cimetière de la ville et avait très bien vu passer les troupes prussiennes ; mais comme les français sétaient entendus la veille pour se trouver a l’heure indiquée dans la ville. Ceux ci nont pas fait semblant les voir cest pour cela que les prussiens Se croyant seul qu’il ont fait un tel carnage un instant après nos troupes entendant les cris des habitants sont courus se sont deployes ; nos autres français sont arrivés par un autre endroit et ont tombé sur les prussiens les ont chassés et en ont tués un bon nombre ; Les prussiens ont battu en retraite de suite, se sont sauvés et chargeant leurs blessés, leurs morts, de crainete que les francais n’en sache le nombre ; Les prussiens en battant en retraite pour se cacher des balles francaises ; faisaient sortir tous les Particuliers de leurs habitations pour se cacher se méler entre eux de crainte des balles françaises ; et en même temps ils les ont emmenés avec eux à chaumont, principalement Mr le maire de la dite ville, et il l’ont frappe à coup de sabre ; sa dame en le voyant ainsi maltraiter se mit a crier, et le défendre, aussitôt elle recut un coup de sabre sur la tête ; les prussiens ont emmenés 26 hommes devant eux plusieurs les faisant marcher a pied nu ; en arrivant a chaumont ils les ont mis en prison. Quelques jours après les particuliers de la dite villes se croyant un peu tranquille ; les troupes qui avait battu quelques jours avant se sont retirées par ordre de leurs général ; et nos français n’ont resté dans la ville au nombre de 60 à 80 ; tout à coup le 8 décembre les prussiens ont arrivés contre la ville (sans doute que cela à été vendu que les troupes étaient retirées) la cernant de toute part ils etaient au nombre de 1800, ces hommes venant par louvieres chemin de Nogent le bas ; les autres par plusieurs coins de Nogent le haut ; et aussitôt un engagement sanglant A commencé, nos 60 francs tireurs et mobiles ont soutenu pendant 2 heures ; parce que les ennemis ne sapprochaient qu’à petit nombre ; et tout d’un coup les prussiens ont tombé sur les notres, et sa tombait sur eux comme une pluie de balle, et en même temps le canon roulait, nos francs tireurs se sont mis à fuir en voyant leurs périrs ; en bon nombre est resté sur le champ de bataille, d’autres se sauvant étant blessés ; et les malheureux prussiens les jetaient tout vivant dans les flammes ; Pendant cette catastrophe les ennemis ont allumés des torches et se mirent à enflamer les habitations de Nogent le bas, au nombre 80 ménages ; et aussitôt les Prussiens ont monté de suite à Nogent le haut , et se sont mis à enflammer 9 à 10 maisons sur le champ de foire, et trois maisons sur la route de chaumont, et le grand café du centre au milieu de la ville ; et entrant dans les maisons faisant sortir les particuliers et les fusillait sur la place ; en ont mis a mort plusieurs qui était couché dans leurs lits ; ils ont fusillé 7 a 8 En autres plusiers pères de famille ; tous les hommes de cette ville sétaient tous enfuis à l’approche des prussiens parce que les veille ; ils en avait emprisonné un certain nombre pour ainsi dire sans raison ; Les hommes de cette ville sont restés au nombre de 14 seuls pour éteindre les flammes ; et même que ces lions qui allumait empéchait de secourir et déteindre les habitations emflammées ; ceux qui étaient à ce carnage, dont nos francs tireurs ont restés au nombre de 25 à 30 les uns seulement blessés mais jetés de suite dans les flammes et aussitôt étouffés par la fumée et brulés de suite ; ceux qui ont vu ces choses disent que l’on à jamais vu choses aussi peinantes qu’à ce spectacle ; les petits enfants sortant de leurs maison avec des petits paquets d’habits devant eux ; se sauvant ne sachant ou aller et se lamentant. Oh ? quelle chose affreuse dans cette saison rigoureuse de l’hiver ; la ville à été bombardée a coup de boulet, et de bombe et dirigée sur l’Eglise et ne lont pas pu attendre ; et on Atteint et percé le batiment de Meur Camille sur la place . Les premiers jours de Janvier lannée 1871 la ville de Langres vient demander en réquisition du grain, du bétail, du lard, de la farine ; en quelque sorte ce que les prussiens ont laissé. Lami janvier tous les hommes valide marié voeuf avec enfants tous sont demandés pour se défendre et defandre notre cher patrie, tous les hommes se sont présentés a la ville de Langres, faisant fonctions de préfecture de la un mal entendu ; et une presse que les autorités de la Ville ne savait à qui répondre ; et de plus pas dargent pour solder ; ceux les hommes qui était placé ; et pas dequipement ; de la une révolution ; les uns sen venaient se faire enroler et les autres placés désertaient ; et ce qu’il y avait de plus cruel ; dans ce moment et pendant toute lannée ; lépidémie de la petite vérole à fait de grands ravages tous les jours ils en mouraient de 8 a 10 par jours tant dune manière que dune autre ; Enfin pour lorganisation de larmée, quele gouvernement voulait faire cetait impossible ; sans effets ; sans nourriture ; et sans Vètements, ces hommes sont restés ainsi une quinzaine de jours… La grande capitale Paris étant cernée depuis 5 mois se trouvant tellement affamés ne mangeant que du cheval enfin de toute viande les habitants de la dite ville on mangé 5 livres de cheval pour 40 personnes ; pour trois jours ; enfin ils avaient pour nourriture en viande et pain pour un homme par jour 130 grammes ; et fallait vivre avec cela ; et cetait du pain quils mangeaient de toute graine du son et de la paille hachée ; Oh cest epouvantable ce que les habitants ont souffert ; ils 30 francs un chien ; 15 francs un chat, 1F50 un rat ; 1F une souris, les autres denrées étaient pour ceux qui pouvaient en avoir sans regarder le prix ; Monsieur Jules Favre ministre des affaires étrangères en ce moment ; voyant la grande misère et la révolution qui allait éclater alla trouver L’empereur Guillaume et Bismark son ministre ; à leur quartier général à Versailles et leur demandant un armistice ; et le ravitaillement de la ville ; Les autorités prussiennes nont consenti quaprès leurs avoir livré les forts de la ville ; et toute larmée De paris prisonnière de guerre internée dans la ville ; et toute désarmée ; et livrée tout le materiel de guerre ; et de nommer une constituante cet a dire un gouvernement sure pour un traité de paix, de suite les élections ont été convoquées pour le 10 février 1871 dans toute la France ont été nommés 750 députés qui ont siégé quelques après…
Pour la livraison de paris les prussiens se sont immédiatement emparés de forts ; ne devant rester que trois hommes francais les chefs de forts pour leurs donner les renseignements ; et aussitôt emparés Ces trois hommes francais devaient immediatement rejoindre larmée dans Paris ; et après le materiel de guerre livré ; cest alors que la ville à pu se ravitailler ».
Dampierre le 1er mars 1871
Marivet-Hutinet
Sorti des oubliettes de l’histoire
par Didier DESNOUVAUX

Sources complémentaires au récit :
- Histoire générale des peuples de l’antiquité à nos jours. Larousse Paris 1926.
- Cahiers Haut Marnais numéros 103-105-106 de 1970 et 1971.
- L’invasion de 1870-1871 dans la Haute-Marne. H.Cavaniol Chaumont 1873.
- Langres pendant la guerre de 1870-1871 d’après les documents officiels français et allemands