vendredi 1 juin 2012

Essai d'analyse pour évaluer l'émigration haut-marnaise vers l'Algérie (seconde partie)

Seconde partie: les demandes de secours

La première partie de cette étude sur l'émigration à destination de l'Algérie pendant la période 1830 / 1870 nous avait montré que les demandes de passeports étaient insuffisantes pour essayer d'en mesurer l'importance.

En plus des registres de passeports, la série M des archives départementales conserve divers documents et circulaires relatifs à cette période. Dans une enquête sur l’émigration à destination de l’Algérie, le représentant de l’Etat écrit en 1845 que « l’émigration dans le département de la Haute-Marne a été presque nulle. Le petit nombre des individus qui se sont rendus en Algérie, se compose presqu’exclusivement d’ouvriers qui ne trouvant pas à s’occuper dans leurs localités d’une manière assez fructueuse, ont voulu tenter la fortune dans un pays où les salaires sont plus élevés », et ce pour la période 1830-1842 sans donner plus de précisions quant au nombre réel de personnes parties. 
Par contre un état des secours accordés aux migrants à destination de l’Algérie pour les années 1846 à 1865 est beaucoup plus instructif. Il enregistre 12284 mouvements se répartissant comme suit :


Le graphique de répartition par années montre quelques pics de départs biens précis :


Cependant les années de forts contingents ne correspondent pas forcément à celles de plus fortes délivrances de passeports. Ce graphique montre qu’il y a bien eu plusieurs vagues de départs tout d’abord en 1846-1847 puis en 1850-1856.
La répartition des départs par commune et par année montre plusieurs tendances : 


La lecture de celui ci fait ressortir que les courbes des secteurs de Langres et de Bourmont ont les mêmes pics de départs, et aux mêmes périodes (1847 et 1855), contrairement à Chaumont, Saint-Dizier et Joinville dont le pic est atteint dès 1851 et qui ne connaîtra pas de seconde vague d’émigration.

Sur la même période, et selon les recensements, la population départementale a évolué de la manière suivante :

La période 1843-1853 est celle qui voit le département dépasser les 260.000 habitants pour atteindre un pic de population de 268.398. Celle ci décroîtra ensuite jusqu’à nos jours. 
On constate que cette année 1851 coïncide avec celle des pics de départs des secteurs de Chaumont, Saint Dizier, et Joinville. Y a t il un lien ?
A l’exception de Chaumont qui voit sa population continuer à augmenter jusqu’en 1863, les autres communes décroissent à partir de 1854.
Parmi les facteurs avancés comme étant la cause du déclin démographique, on cite habituellement, la baisse de la fécondité  le choléra et la fin de l’âge d’or de la métallurgie haut-marnaise. Faut-il pour autant négliger l’émigration sachant qu’on considère que l’exode rural lié au manque d’industrie n’a commencé qu’à partir de 1861 ?
Nous pouvons étudier les migrations apparentes à partir de l’évolution de la natalité et de la morbidité:

Avant d’analyser ces données notons que pour la période 1821-1830 celles ci ne sont que des estimations puisque les recensements de population n’existaient pas et donc les naissances et les décès sont évalués. Remarquons aussi que des personnes ont pu décéder ailleurs que dans leur département de naissance, mais que l’inverse est également possible, ce qui grosso modo se neutralise. 
Compte tenu de ces précisions le tableau fait ressortir des périodes d’émigrations en1826-1830 ; 1836-1845 ; et à partir de 1851.
En ne conservant que la période 1851-1855 pour laquelle nous avons des données fiables quand au nombre d’émigrés aidés par les communes pour partir en Algérie, on s’aperçoit que 6604 personnes ont émigré vers la colonie d’Afrique du nord (1007+835+977+1224+2561) sur un dépeuplement  théorique de 15197 habitants, ce qui représente 43,45% du déficit.
Si on fait le même calcul pour la période suivante1856-1860, on obtient 1077 (653 + 202 + 94 + 34 +94)  ce qui sur un total de 2548 départs donne un ratio de 42,26%
On peut donc affirmer que sur la décennie 1851-1860 les départs vers l’Algérie ont représenté 43,28% de la diminution de la population enregistrée pendant cette période ; ce qui est loin d’être négligeable. Les études de démographie  reconnaissent toutefois que le département a été une zone d’émigration pour la période 1851-1855  puis pour 1881-1885 sans donner de destination précise à ce flux migratoire.
Nous n’avons malheureusement aucune donnée fiable pour la période 1836-1840 et nous devons nous en tenir aux propos de la préfecture qui tendait à tenir pour valeur négligeable le nombre de personnes parties, à cette époque, outre-méditerranée.

Peut-on encore affirmer que la Haute-Marne n'a pas été une terre d'émigration à destination de l'Algérie? Assurément non si on s'en tient aux demandes de secours qui ont concerné 12284 personnes. Contrairement à la Haute-Saône voisine, aucune commune algérienne semble n'avoir été fondée par des haut-marnais. Pour compléter cette étude, il faudrait essayer de retrouver les foyers d'émigration en Algérie. Si les lecteurs de ce blog ont trouvé des haut-marnais, non militaires, qui ont émigré en Algérie entre 1830 et 1870, je leur saurais gré de bien vouloir me faire part de leurs découvertes.

Didier Desnouvaux

mercredi 23 mai 2012

Essai d'analyse pour mesurer l'émigration haut-marnaise vers l'Algérie (première partie)

Première partie: Les passeports



L’étude des passeports délivrés à destination de l’Algérie ou des ports d’embarquement de Marseille et de Toulon ne laisse pas entrevoir de fort courant d’émigration après la conquête du pays.  

La période étudiée couvre les années 1833 à 1870 pour lesquelles les registres de passeports ont été conservés aux archives départementales. On remarque que les années 1854 - 1855 et 1856 sont celles pendant lesquelles les délivrances ont été les plus nombreuses, qu’après 1865 la destination n’attirait plus les colons qui ne semblent ne s’être intéressés au pays qu’à partir de 1841. Les 3 départs de l’année 1833 semblent être une exception, à moins que ce ne soit la fin d’une première vague survenue de 1830 à 1833. Mais les donnés manquent pour être affirmatif sur ce point.
Les personnes qui obtiennent des passeports sont très majoritairement nés et domiciliés dans le département. Ce qui fait que sur un total de 215 passeports, 139 sont originaires du département, soit 64%. Le reste étant composé de personnes y étant domiciliés depuis plusieurs mois, voire années. A noter que pour près de 7% des demandes aucun lieu d’origine n’est indiqué.

Nés et domiciliés dans le département : 137
Nés dans le 52 et domiciliés hors du département:  2
Nés hors 52 et domiciliés dans le département: 56
Nés et domiciliés hors département : 6
Lieu de naissance inconnu: 14




Les passeports sont délivrés pour les destinations suivantes :
Marseille 166


Afrique (sans précision) 1
Toulon 21
Inconnue 1
Alger 9
Tunisie 1
Constantine 2
Algérie (sans précision) 3
Oran 2
Bone 3
Jemmapes 1
Mascara 2
Mostaganem 1
Sétif 1
Stora 1
On peut considérer que 212 passeports sont donc bien à destination de l’Algérie.  Marseille et Toulon étant les ports d’embarquements pour cette destination, un calendrier était défini pour indiquer les jours et heures de départ ou de retour depuis différents ports d’Afrique.  Les navires effectuant la traversée depuis Toulon partent les 8 –18 et 28 de chaque mois de l’année 1846, ceux au départ de Marseille la font les 5-10-15-20-25-30 et déposent leurs passagers à Alger 2 jours plus tard. Des navires font également le parcours avec pour destination Oran les 3 et 18 de chaque mois, ainsi que pour le port de Stora les 8 et 23 ; les durées étant alors respectivement de 3 ou de 2 jours.
Sur les 215 passeports délivrés 54% l’ont été à des familles, et 46% à des personnes seules, dont seulement 8% de femmes. 81% des familles ont des enfants. On peut aussi noter quelques domestiques et des familles composées de personnes du même sexe mais qui sont ascendants ou descendants.


Le détail des passeports nous montre que ceux ci concernent un total de 510 personnes provenant de plus de 70 communes haut marnaises majoritairement situées dans le sud et sur la frange est du département. Il est à noter que pour 44 personnes le nom de la commune de naissance n’est pas indiqué.




Langres 76
Anrosey 4
Guyonvelle 2
Voisey 62
Ranconnieres 4
Laferte Sur Amance 2
Chaumont 40
Beurville 3
Recourt 2
Non déterminé 34
Joinville 3
Vesvres Sous Chalancey 2
St Dizier 33
Chauffourt 3
Liffol Le Petit 2
Marcilly En Bassigny Plesnoy 24
Riviere Les Fosses 3
Humbecourt 2
Gilley 21
Lafauche 3
Hoericourt 2
Prauthoy 15
Laneuvelle 3
Bourdons Sur Rognon 1
Pierrefaites 14
Wassy 3
Enfonvelle 1
Bourbonne Les Bains 12
Andelot Blancheville 2
Villars St Marcellin 1
Genevrieres 11
Coupray 2
Chateauvillain 1
Tornay 10
Genrupt 2
Brethenay 1
Charmoy 7
Huilliecourt 2
Treix 1
Torcenay 7
Illoud 2
Le Puits Des Mezes 1
Balesmes Sur Marne 7
St Thiebault 2
Choiseul 1
Bourmont 6
Blessonville 2
Vaux La Douce 1
Bonnecourt 6
Brottes 2
Velles 1
Marnay Sur Marne 6
Fontaines Sur Marne 2
Bourg 1
Soulaincourt 6
Eurville Bienville 2
St Michel 1
Melay 5
Doulaincourt Saucourt 2
Donnemarie 1
Saulles 5
Bouzancourt 2
Vaux Sous Aubigny 1
Chalindrey 5
Courcelles Sur Blaise 2
Perthes 1
Lariviere Arnoncourt 4
Bussieres Les Belmont 2
Coiffy Le Bas 1
Roches Sur Rognon 4
Gillancourt 2
Varennes Sur Amance 1

La répartition de ces migrants par canton d’origine nous confirme bien que le sud haut marnais a été affecté par la majorité des candidats au départ :





Les cinq plus gros cantons sont ceux de Laferté (86), Langres (84), Fays Billot (63), Chaumont (45), Saint-Dizier (38) qui représentent à eux seuls 62% des partants.

Si on ne s’en tenait qu’à ces seules données, nous pourrions affirmer que la Haute-Marne n’a pas fourni un gros contingent de migrants pour coloniser l’Algérie. 
Mais les registres de passeports conservés sont incomplets, et 

certains documents tendent à contredire cette assertion....

à suivre .... 

lundi 5 mars 2012

Papiers !

Les passeports haut-marnais


Avec la révolution on vit s'instaurer à partir du 1er février 1792 un passeport pour se déplacer à l'intérieur de la France, et sortir de son canton. Les passeports, documents obligatoires contrôlés par la police et valable pour un an seulement, permettaient aux autorités de suivre les migrations.
Il existait les passeports pour l'intérieur, pour aller de province à province, et aussi des passeports pour partir à l'étranger cinq fois plus chers (2 francs et 10 francs). Ceux pour l'étranger étaient délivrés par la préfecture et les sous-préfectures, ceux de l'intérieur l'étaient par les maires et à Paris, par le préfet de police. Les municipalités consignaient sur un registre numéroté les créations, les renouvellements et paraphaient les passeports des migrants de passage. Sans passeport, il était impossible d'obtenir un travail.
Ce décret subit des modifications successives en 1807, 1810, 1814, 1815,1816, 1818, 1823 mais sans remettre en cause le passeport. En 1828 les gens doivent dire combien ils ont d'argent à emporter afin de ne pas être à charge des communes portuaires, et doivent être en règle vis à vis du fisc, les jeunes gens quant à eux ont l’obligation de justifier leur situation militaire. Chacun pouvait être contrôlé sur les routes, dans les diligences ou les auberges.

Les faits graves qui auraient justifié ce rétablissement en 1834-35 étaient les suivants: bataille de rues des 13 et 14 avril 1834 à la suite d'émeutes populaires à Paris et à Lyon. Il est cependant de fait que jusqu'à la fin du Second Empire, le passeport intérieur fut demandé, sans réglementation spéciale, de tous les voyageurs "à pieds", ouvriers, journaliers, saisonniers, allant de ville en ville à la recherche d'un emploi, qui étaient considérés par les autorités comme faisant partie de la classe dangereuse pour le pouvoir et les municipalités.
Mais, l'usage des passeports pour l'intérieur fut peu à peu abandonné à partir de 1860 sans vraiment avoir été officiellement supprimé.
Le passeport délivré par les autorités est identique pour tous les départements et toutes les régions de France. Il indique seulement le type dont il s’agit (Intérieur, indigent, ou étranger) A chaque passeport correspond une souche gauche conservée par la mairie ou la préfecture. Imprimé sur un papier qui empêche le grattage ou l’altération, il comprend le nom du demandeur, son prénom, l'âge du titulaire et son lieu de naissance. En l'absence de photographie, le passeport, délivré par les mairies, comportait une description physique précise du titulaire ainsi que le rappel des signes particuliers qu'il pouvait présenter suivis de quelques observations concernant éventuellement sa situation par rapport à la conscription. Il mentionnait également le nombre de personnes qui accompagnaient le titulaire du document officiel.
Certains passeports pouvaient être délivrés gratuitement aux personnes ayant peu de revenus; certains l’étaient avec secours de route pour permettre à la personne de rentrer à son domicile (photo)
Les archives du département de la Haute-Marne conservent plusieurs registres de passeports gratuits délivrés à des personnes démunies , ce qui n’est pas le cas des autres départements, en plus de ceux des passeports payants.






Sources:
Extrait du courrier des lecteurs de la Revue Français de Généalogie n°164, juin juillet 2006
L’Histoire n°350 février 2010
ADHM série M

dimanche 5 février 2012

Quand les mendiants étaient chassés de Haute-Marne

Ou le retour au pays des camps-volants.

Règlement sur la mendicité et le vagabondage
Le maire de la commune de Rouvroy
Vu les lois des 14-22 décembre 1789, 16-24 août 1790, 19-22 juillet 1791, 7 frimaire an V, 27 novembre 1796, 18 juillet 1837 et le code pénal, articles 269 à 281;
Considérant qu’il est dans les attributions du pouvoir municipal de concourir à la suppression de la mendicité;
Considérant que la sollicitude de l’autorité et la charité publique ont organisé des secours pour les malheureux réellement incapables de gagner leur vie;
Considérant que la présence dans la commune de vagabonds et gens sans aveu compromet au plus haut point l’ordre et la sureté publique,
Arrête:
Art.1: La mendicité est interdite dans la commune. Il sera pris à l’égard des habitants pauvres, sans travail ou invalides, des mesures convenables pour leur procurer des secours.
Art.2: Tout mendiant non domicilié dans la commune, sera tenu de la quitter dans le délai qui lui sera assigné par le maire; à cet effet, il lui sera délivré un passeport avec itinéraire obligé pour se rendre au lieu de sa résidence habituelle.
Art.3: S’il ne peut justifier de cette résidence, il sera procédé immédiatement à son arrestation; procès verbal sera dressé, et l’individu conduit devant M. Le procureur de la République, pour être mis à sa disposition.
Art. 4: Tout individu étranger à la commune, n’ayant ni domicie ni moyen de subsistance, et n’exerçant habituellement ni métier, ni profession, sera arrêté et mis à la disposition du procureur de la République, comme se trouvant en prévention de vagabondage.
Art. 5: La gendarmerie, les gardes champêtres et les agents de la police sont chargés de l’exécution du présent arrêté.
Fait à Rouvroy le 27 juin 1849


En 1849, les maires de communes étaient autorisés à refuser des secours aux personnes d’origine étrangère. De nombreuses communes ont alors pris des arrêtés pour règlementer la mendicité et le vagabondage: Bourg, Bussières les Belmont, Clinchamp, Chateauvillain, Doulaincourt, Luzy, Reynel, Saint Dizier, Saint Urbain, Vignory, l’ont toutes rédigé de manière identique. Mais comme il n’y avait pas de dépôt de mendicité, elle ne pouvait pas être interdite.
Le 19 avril 1854, le Conseil Général rédige alors un projet d’arrêté sur le même type, interdisant la mendicité sur le territoire départemental, et déclarant comme dépôt de mendicité la maison de Bellevaux située près de Besançon. Voici un extrait du courrier du Conseil Général au ministère pour essayer de justifier son arrêté: “Sous une toile qui recouvre une mauvaise charrette, sont entassés pèle-mêle tous les membres de la soit disant famille; un cheval chétif qu’on fait vivre aux dépens des champs des laboureurs; une marmite établie dans la berge et sous laquelle brûle le bois arraché aux haies aux clôtures voisines et près de laquelle il n’est pas rare de voir paître des poules et des canards de provision: tel est le matériel de la troupe ambulante.
Et si un voyageur vient à passer en diligence! Une foule d’enfants achetés, ou empruntés (car à leur âge, à leur nombre, à la proportion de leurs tailles respectives, il est impossible de croire qu’ils appartiennent à une seule et même famille) s’élancent de la charrette comme un essaim, et poursuivent la diligence ou la voiture particulière jusqu’à ce que leur importunité ait arraché aux voyageurs une aumône, évidemment faite au préjudice de celles que nos compatriotes pauvres pouvaient espérer de recevoir...”

Mais cet arrêté n’a jamais reçu l’aval de l’autorité supérieure, parce que le préfet s’était interrogé sur la pertinence du choix de Bellevaux, qui faisait déjà hospice et hôpital; d’autant plus que le dépôt de mendicité de Metz n’était pas plus éloigné. Finalement, les choses restèrent en l’état.
En photo un article de presse de 1890 qui montre bien la récurrence de ce sujet souvent polémique.


Sources: ADHM 86M1

vendredi 6 janvier 2012

La construction du chemin de fer

Aperçu non exhaustif des victimes.

    Un des plus grand chantier haut-marnais de travaux d’infrastructures fut celui lié aux chemins de fer. On en loue la réalisation, mais on parle peu souvent des ouvriers qui y ont contribué et plus particulièrement de ceux qui y trouvèrent la mort. Si la plupart des livres qui en font l’historique mentionnent que des accidents, parfois mortels, ont eu lieu lors de la construction,  aucun nom n’est cité. A titre d’exemple, le viaduc de Chaumont a vu trois ouvriers tués et plusieurs autres blessés sur le chantier.
Ainsi le 18 novembre 1856 Joseph VEYRE 24 ans fait une chute de 4 mètres sur le chantier du viaduc de Chaumont et décède. C’est le seul décès dont nous sommes sur.
Le 26 octobre 1856 Etienne MOIREL 42 ans, travaillait à la construction du viaduc de Chaumont. Il chute d’une hauteur de 17 mètres. Heureux sort : il n’a rien de cassé.
Ce n’est pas le cas de Jean Hippolyte CHATELAIN, manouvrier de 44 ans, qui, sur le chantier du viaduc, est tombé d’une hauteur de 15 pieds et s’est cassé le bras le 9 septembre 1856, ainsi que de Pierre LAFORET, charpentier de 27 ans, qui chute d’une hauteur de 50 pieds et se casse la jambe gauche et se fait deux contusions à la tête.
Toujours à Chaumont, Le 13 octobre 1856, Jean BAYLOT terrassier de 25 ans meurt écrasé sous un wagon en travaillant dans une tranchée.
Déjà le 12 août 1856 Jacob FLOMENSKAEN, 19 ans,  né en Bavière, est écrasé sous un wagon en travaillant à la construction du chemin de fer à Chamarandes.
La ligne de Paris à Chaumont fut ouverte le 18 avril 1857 et inaugurée en grande pompe : Préfet, député, maire, ingénieurs, etc… étaient présents pour se féliciter des travaux. Les premiers trains circulent alors. Moins de deux mois après survient un accident mortel. Cela semble être le premier depuis la mise en exploitation. Et il concerne un adolescent : Le 6 juin 1857 Georges CHERMANN, 13 ans, aiguilleur aux Chemins de Fer de l’Est est écrasé par un wagon à Chaumont. En octobre on ouvre la section de Chaumont à Langres. Sans inauguration cette fois. C’est peut être la conséquence du dramatique accident qui précédait. D’autant plus que la population se souvenait probablement de l’autre drame survenu lors de la construction de la voie puisque le 26 juillet 1855 Augustin DEVOIE était décédé à Jorquenay dans un éboulement pendant les travaux de construction du chemin de fer. Il est malheureux qu’il faille des événements dramatiques pour se souvenir que l’entreprise adjudicataire du marché, Parent & Shaken n’était pas très en règle avec la législation et imposait des conditions de travail parfois peu humaines. A ce moment là les autorités civiles toujours enclines à se glorifier sont aux abonnés absents.
Toujours sur la même ligne, de Paris à Bâle, le 29 janvier 1858 Jacques Louis VION,  24 ans, garde frein à Bricon sera écrasé sous une locomotive. Le 12 mars 1858 un train de marchandises déraille aux abords du viaduc de Chaumont. C’est un  événement sans gravité. Le 14 octobre 1858 Alfred HUYARD 42 ans employé des Chemins de Fer à Chaumont se suicide.  Il donnait depuis quelques jours des signes d’aliénation mentale.
Mais le 18 février 1859 Hippolyte DEMANDRE, garde barrière à Foulain, est tué par un coup de tampon d’un train en marche, puis le 8 août 1859 Joseph FORT, 38 ans de Vesaignes sur Marne, a été écrasé par le train poste. Il étaient  tous les deux gardes barrières, et en service.
La portion de Langres à Laferté sur Amance est ouverte à la circulation le 22 février 1858. Il n’y eut pas non plus d’inauguration cette fois ci. Ce chantier avait eu aussi son lot de tragédies :
Le 20 juillet 1855 Didier OUDOT de Langres décède à Saint Vallier. Il était allé vérifier les travaux et est tombé d’une hauteur de 37 mètres dans un puits qui était sur le chantier.
L’accident le plus grave survint le 14 mai 1856 quand Jean LAROQUE,  Joseph THILLET, André CHEVILLARD et Jules CHOQUET tous quatre ouvriers charpentiers décèdent à Hortes. Ils travaillaient à la construction d’un viaduc lorsqu’ils furent écrasés par la chute d’un cintre préparé pour créer une arcade.
Le 17 mars 1857 Nicolas DUBOIS 40 ans est écrasé sous un wagon à Culmont.
Cela continue après la mise en service :
Le 10 mars 1858 Emile COSTANT 23 ans de Palaiseul, employé aux Chemins de Fer, fait une tentative de suicide parce qu’il était accusé du vol d’un ballot de marchandises. Il est mort le 28 mars des suites de ses blessures.
Le 31 janvier 1859 collision sur le chemin de fer de l’Est, à Langres, entre un train de marchandises et le train poste. On déplore huit blessés. Un rapport est établi et envoyé au ministère.
Pratiquement un an après, le 3 janvier 1860, Edouard LEPREVOT 40 ans est écrasé par une locomotive à la gare de Chalindrey.
D’autres drames eurent aussi lieu sur les portions secondaires :
Le 19 septembre 1854 Joseph SCHMITT, ouvrier des Chemins de Fer meurt à Autigny le Grand des suites d’une amputation. Celle ci a été rendue nécessaire suite à un accident survenu quelques heures auparavant quant il a eu les deux jambes broyées par un wagon de sable.
Le 21 novembre 1854 Pierre CHAPPAS meurt à Chevillon enseveli dans un éboulement de terre alors qu’il travaillait sur le chantier de construction des voies.
Le 13 mars 1856 Jacques VERNIER 36 ans est écrasé sur le chemin de fer à Epinant.
    Peu à peu la circulation des trains se fait en toute sécurité, la Compagnie ayant tenu compte des accidents survenus. Même si aucune activité humaine n’est sans drames humains, encore faut-il que ceux ci restent le plus rare possible. C’est ce qui fut fait.