lundi 13 juin 2011

Les meules en grès

Les carrières de Provenchères

    Au point de vue géologique la partie est du canton de Montigny appartient au lias inférieur. L'une des couches qui servent de base à ce terrain le grès infra-liassique s'y trouve à une profondeur assez faible pour être exploitée en différents endroits. Cette couche s'étend jusque dans la partie ouest des cantons de Bourbonne et de Varennes où elle fait ensuite place aux marnes et aux gypses du trias. Dans la partie ouest du canton de Montigny elle s'enfonce sous les argiles et les calcaires.
Suivant son degré de consistance on en extrait du sable, des moellons, des pierres de taille, et des meules à aiguiser. Les carrières de meules les plus renommées étaient celles de Marcilly et de Celles qui étaient exploitées de longues date et presque épuisées. Venaient ensuite celles de Provenchères et de Saulxures. Il y en avait également à Varennes, Arbigny et Champigny sous Varennes.
    Le territoire de Provenchères forme une plaine légèrement inclinée vers le nord et dont l'uniformité n'est interrompue que par quelques monticules peu élevés et par le vallon de la Meuse qui y pénètre en coulant dans le sens est-ouest puis dans la direction du nord. Presque toutes les carrières sont situées à proximité des versants de ce vallon et cela se comprend par la facilité que fournissent les pentes à l'ouverture des travaux et au stockage des déblais. Par la qualité et la quantité de leurs produits les carrières de Provenchères figuraient parmi les meilleures carrières de meules de France. Elles sont d'un grès blanc, homogène et d'une dureté variable selon les lieux d'extractions. On y fabriquait ainsi des meules de toutes dimensions et pour tous les usages tels que la coutellerie, la taillanderie, la verrerie, l'industrie de la porcelaine... Le diamètre des meules n'excédait que très rarement 1m60. Ces grosses meules provenaient alors des Vosges.
    La hauteur des couches de grès variait de 5 à 8 mètres. Elles étaient inclinées en remontant vers la surface du sol. Du moins n'en exploitait-on que les premiers mètres puisque la nature du grès variait selon la profondeur à laquelle on allait l'extraire. A la surface, le grès était généralement blanc, d'un grain fin et serré, alors qu'à partir d'une certaine profondeur il devient jaune et poreux et n'est plus alors propre à la fabrication de meules. L'exploitation de la pierre à meules était donc abandonnée une fois la profondeur de 2 à 3 mètres atteinte.
Outre les meules, qui en sont le principal produit, les carrières de Provenchères fournissaient de la pierre de construction sous forme de pierre de taille et de moellons provenant soit de débris de grès meulier soit de bancs impropres à faire des meules. L'église du village et la plupart de celles des environs sont bâties en grès de Provenchères. L'usage en est ancien puisque dès les XVIème siècle il y avait sur le coteau de la Meuse "les vieilles perrières" qui trahissent des emplacement des carrières épuisées ou abandonnées.
    La fabrique de l'églsie de Provenchères amodiait annuellement le droit d'extraire la pierre. Une déclaration de 1609 fait ainsi ressortir ".... Le droict de traict des perrières audit Provenchères, qui peult valoir de rendement annuel cent sols, étant entretenue au reste des aumônes des bonnes gens". Les carrières ne fournissaient alors que de la pierre à bâtir et de la lave propre à couvrir les toits. Les lieux d'extraction alors exploités ne fournissaient que du grès dur, très bon pour les constructions, mais impropre à la fabrication des meules. Les bancs de bonne qualité n'avaient pas encore été découverts. Il n'y avait donc que deux ou trois familles de pierriers. Avec la Révolution les carrières devinrent communales et les habitants continuèrent à y extraire de la pierre à bâtir. Vers 1802 un habitant de Celles, village renommé pour ses meules, vint s'établir à Provenchères et y ouvrit une carrière. L'emplacement fut vite abandonné. Il en ouvrit une seconde sur le coteau du Moulin qui lui donna plus de satisfaction puisque le banc de grès était facile à exploiter et d'excellente qualité. Le banc d'une hauteur de trois mètres fut le point de départ des premières carrières de meules qui s'ouvrirent de part et d'autre à La vigne et le long de la Voie du moulin.
    C'est ainsi que vit le jour cette industrie à Provenchères. De nombreuses fouilles permirent de reconnaître la qualité du banc de grès et les endroits où il pouvait avantageusement être exploité. Les anciennes carrières communales furent abandonnées. D'autres furent ouvertes dans les lieux-dits suivants: la Voie du moulin; La vigne; Les trous (1840); La raille; Les archots (1860). Le développement de cette industrie avait eu pour conséquence un accroissement rapide de la population puisqu'un certain nombre de familles étrangères au village s'y étaient installées. Il y avait 473 habitants en 1804, 620 en 1833 et 633 en 1851, niveau qu'il conserva jusqu'à la fin du XIXème siècle.

Sources: Archives départementales de Haute-Marne 245T1 d'après une notice de1884 rédigée par  l'instituteur de Varennes Miquée.