dimanche 5 février 2012

Quand les mendiants étaient chassés de Haute-Marne

Ou le retour au pays des camps-volants.

Règlement sur la mendicité et le vagabondage
Le maire de la commune de Rouvroy
Vu les lois des 14-22 décembre 1789, 16-24 août 1790, 19-22 juillet 1791, 7 frimaire an V, 27 novembre 1796, 18 juillet 1837 et le code pénal, articles 269 à 281;
Considérant qu’il est dans les attributions du pouvoir municipal de concourir à la suppression de la mendicité;
Considérant que la sollicitude de l’autorité et la charité publique ont organisé des secours pour les malheureux réellement incapables de gagner leur vie;
Considérant que la présence dans la commune de vagabonds et gens sans aveu compromet au plus haut point l’ordre et la sureté publique,
Arrête:
Art.1: La mendicité est interdite dans la commune. Il sera pris à l’égard des habitants pauvres, sans travail ou invalides, des mesures convenables pour leur procurer des secours.
Art.2: Tout mendiant non domicilié dans la commune, sera tenu de la quitter dans le délai qui lui sera assigné par le maire; à cet effet, il lui sera délivré un passeport avec itinéraire obligé pour se rendre au lieu de sa résidence habituelle.
Art.3: S’il ne peut justifier de cette résidence, il sera procédé immédiatement à son arrestation; procès verbal sera dressé, et l’individu conduit devant M. Le procureur de la République, pour être mis à sa disposition.
Art. 4: Tout individu étranger à la commune, n’ayant ni domicie ni moyen de subsistance, et n’exerçant habituellement ni métier, ni profession, sera arrêté et mis à la disposition du procureur de la République, comme se trouvant en prévention de vagabondage.
Art. 5: La gendarmerie, les gardes champêtres et les agents de la police sont chargés de l’exécution du présent arrêté.
Fait à Rouvroy le 27 juin 1849


En 1849, les maires de communes étaient autorisés à refuser des secours aux personnes d’origine étrangère. De nombreuses communes ont alors pris des arrêtés pour règlementer la mendicité et le vagabondage: Bourg, Bussières les Belmont, Clinchamp, Chateauvillain, Doulaincourt, Luzy, Reynel, Saint Dizier, Saint Urbain, Vignory, l’ont toutes rédigé de manière identique. Mais comme il n’y avait pas de dépôt de mendicité, elle ne pouvait pas être interdite.
Le 19 avril 1854, le Conseil Général rédige alors un projet d’arrêté sur le même type, interdisant la mendicité sur le territoire départemental, et déclarant comme dépôt de mendicité la maison de Bellevaux située près de Besançon. Voici un extrait du courrier du Conseil Général au ministère pour essayer de justifier son arrêté: “Sous une toile qui recouvre une mauvaise charrette, sont entassés pèle-mêle tous les membres de la soit disant famille; un cheval chétif qu’on fait vivre aux dépens des champs des laboureurs; une marmite établie dans la berge et sous laquelle brûle le bois arraché aux haies aux clôtures voisines et près de laquelle il n’est pas rare de voir paître des poules et des canards de provision: tel est le matériel de la troupe ambulante.
Et si un voyageur vient à passer en diligence! Une foule d’enfants achetés, ou empruntés (car à leur âge, à leur nombre, à la proportion de leurs tailles respectives, il est impossible de croire qu’ils appartiennent à une seule et même famille) s’élancent de la charrette comme un essaim, et poursuivent la diligence ou la voiture particulière jusqu’à ce que leur importunité ait arraché aux voyageurs une aumône, évidemment faite au préjudice de celles que nos compatriotes pauvres pouvaient espérer de recevoir...”

Mais cet arrêté n’a jamais reçu l’aval de l’autorité supérieure, parce que le préfet s’était interrogé sur la pertinence du choix de Bellevaux, qui faisait déjà hospice et hôpital; d’autant plus que le dépôt de mendicité de Metz n’était pas plus éloigné. Finalement, les choses restèrent en l’état.
En photo un article de presse de 1890 qui montre bien la récurrence de ce sujet souvent polémique.


Sources: ADHM 86M1