samedi 8 octobre 2016

Les monnaies de nécessité pendant la première guerre mondiale

Les billets de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Saint-Dizier 
  
Dès les premiers jours de l’entrée en guerre, les habitants se sont mis à thésauriser pour faire face à leurs besoins d’argent pour les semaines à venir, mais surtout parce que le système du franc germinal était basé sur une correspondance de la valeur de la monnaie à des réserves en or et en argent. Dès 1914 les pièces en or, en argent et en bronze qui avaient alors une valeur faciale inférieure à leur masse métallique furent systématiquement conservées par les particuliers. Mais ces monnaies qui circulaient de moins en moins n’étaient pas sans poser des problèmes aux commerçants qui avaient de plus en plus de difficultés dans leurs transactions quotidiennes. Dès le 7 août 1914, la Chambre de Commerce de Paris demanda l'autorisation d’émettre des bons au porteur de 0,50 franc, 1 franc et 2 francs garantis par des fonds en contre-valeur déposés à la Banque de France. Ayant obtenu l’accord de son ministère de tutelle, la plupart des Chambres de Commerce départementales se lancèrent dans l’impression de monnaies de guerre, appelées aussi monnaies de nécessités ou obsidionales.
        En Haute-Marne, la Chambre de Commerce de Saint-Dizier réalisa plusieurs émissions de billets de 0,50 Franc et de 1 Franc. Celles-ci furent autorisées par diverses délibérations de la chambre consulaire. La première fut prise le 11 novembre 1915, sans se douter que trois ans après cette date serait celle de l’armistice. L’impression des billets a été confiée à l’imprimerie Thévenot de Saint-Dizier qui sortit des rotatives des billets de différentes couleurs.  Celui de 0,50 franc est imprimé sur un papier sans filigrane, en vert sur fond orange. Y sont présentes deux signatures, celles du Président et du Trésorier de la CCI. Comme tous les billets ceux-ci sont numérotés en noir. Le nom de l’imprimeur y figure en bas à gauche, et son lieu d’implantation, Saint-Dizier en bas à droite. Le verso est imprimé en marron sur fond blanc, et il indique que le remboursement aura lieu au plus tard le 11 novembre 1920, et seront payables à vue par sommes rondes de 20 francs au moins. Il était donc exclu de rembourser quelques billets isolés aux particuliers. Ceci explique, en partie au moins, qu’un certain nombre de billets ait survécu au pilon, et qu’ils fonts aujourd’hui le bonheur des collectionneurs. Le billet de 1 franc diffère uniquement par les couleurs employées. Il est imprimé en bleu sur fond rose, et les coordonnées de l’imprimeur sont rassemblées au centre de la marge basse au lieu d’être renvoyées aux deux extrémités.
        Il y eut en tout quatre émissions consécutives aux délibérations du 11 novembre 1915, du 17 avril 1916, du 12 décembre 1916 et du 7 novembre 1917, pour chacune des valeurs faciales. Les billets ne changèrent pas de motif, ni de date de remboursement qui était toujours prévu le 11 novembre 1920. Si l’année 1918 ne vit pas d’émission, c’est en premier parce que pendant les années de guerre, la frappe de monnaie « nationale » continuait mais elle n’était pas suffisante pour faire face à la thésaurisation. En 1918, l’entrée en guerre des américains avait redonné confiance et aucune émission de billets ne fut décidée par la Chambre de Commerce et d’Industrie. On pensait qu’avec l’armistice tout allait s’arranger. Ce fut vrai pour l’année 1919, mais en 1920 la frappe des pièces de monnaie de 0,50 franc et 1 franc connut un creux avec trois fois moins de pièces que les années précédentes.         La reprise de l’activité économique se faisant, et la monnaie se tarissant, la Chambre de Commerce de Saint-Dizier s’est à nouveau résolue à procéder à l’émission de billets de nécessité. La délibération du 14 avril 1920 décide de confier l’impression de billets de 50 centimes et de 1 franc aux établissements André Brulliard de Saint-Dizier. Ceux-ci sont tous imprimés en vert sur du papier sans filigrane, mais avec un motif différent des billets de la période de guerre. La valeur faciale est en rouge, et ils portent la mention série B ainsi que le blason de la ville bragarde. Ils comportent toujours les signatures du Président et du Trésorier, mais cette fois ci, ils sont remboursables jusqu’au 11 novembre 1925.
        Une troisième série de billets de même valeur faciale sera autorisée le 7 juin 1921. Elle ne variera de la précédente que par l’apposition de l’expression « Série C » et par la couleur du blason de Saint-Dizier qui passera du vert au rouge, tout comme le caducée du verso. Il est à noter que les deux faces des séries B et C se ressemblent, tandis que le verso de ceux de la première série  rappelaient seulement la valeur faciale en gros caractères ainsi que le mode de remboursement dans un cartouche rond. Pour les séries B et C, il n’était plus prévu de somme minimale pour l’échange des billets, alors qu’il était obligatoire d’apporter au moins 20 francs en monnaie de guerre pour obtenir des pièces et billets ayant cours dans toute la France, et la qualité d'impression était beaucoup plus qualitative alors que les premiers émis qui avait des marges irrégulières, voire quasiment absentes.
        La Chambre de Commerce de Paris qui était à l’origine de cette initiative n’émettra finalement une monnaie de nécessité qu’en 1920 alors qu’en province la raréfaction de la monnaie s’est fait ressentir plus rapidement. La multiplication des émissions a été rendue nécessaire par l’usure rapide de ces coupures et peut être aussi par leur dispersion en dehors du territoire des Chambres de Commerce locales. C’est ainsi que des pièces de 2 francs furent frappées au nom des Chambre de Commerce de France en 1920, en plus des pièces de 50 centimes et 1 franc des billets de nécessité. Des entreprises et organisations privées, touchées par le même phénomène mais qui avaient également compris qu’elles fidélisaient ainsi leur clientèle, voire la rendaient captive, ont également émis des pièces, qui bien qu’elles ne soient pas facilement datables sont rattachables à cette période : La Société de Consommation de l’Est de Chalindrey (5 centimes), la Société Coopérative de Joinville (25 centimes), la Société d’alimentation l’Econome de Nogent (5 centimes), ainsi que la Colonie industrielle de jeunes détenus de Nogent (10 centimes). La mairie de Wassy a également émis sa propre monnaie sous forme de bons. D'une valeur faciale allant de 0,25 à 1 franc, ces bons datés de 1915 et 1916 n'étaient pas numérotés mais étaient signés du maire de l'époque, Maitrot, qui s'engageait à les rembourser à vue.  En 1925, une loi a décidé du retrait définitif des billets et monnaies de nécessité encore en circulation.