lundi 22 juin 2009

L'abbaye de Septfontaines

A QUOI CA SERT QUE DUCOS Y SE DECARCASSE !

Ducos Théodore Jean Etienne naquit le 22 août 1801 à Bordeaux ; Il fit ses études au collège de Sorèze puis revint s’établir dans sa ville natale comme armateur, négociant. Situation qui lui ouvrira les portes de la chambre de commerce puis du conseil général de la Gironde (1833-1847), dont il deviendra le président. Simultanément, il briguera un siège de député qu’il conservera quatorze années, soit jusqu’en 1848, période pendant laquelle il sera souvent rapporteur de projets de lois en rapport avec la pèche, les rivières et le commerce maritime. Membre de l’assemblée constituante de 1848, puis désavoué par son département lors des élections législative de mai 1849, il retournera à la députation dans le département de la Seine où il se fera remarquer par ses opinions de droite qui lui vaudront d’avoir les faveurs de l’Elysée le 9 janvier 1851 lorsqu’il fut appelé au ministère de la Marine. Il n’occupera ce fauteuil que quinze jours, avant que son ministère ne soit renversé. Le coup d’Etat du Deux Décembre fera de Ducos un membre de la commission consultative, puis son fauteuil lui tendra à nouveau les bras le 3 décembre 1851, et il y sera confirmé le 22 janvier 1852 avec le prestigieux ministère de la Marine et de Colonies. Il ne le quittera plus jusqu’à son décès survenu suite à un excès de travail le 17 mars 1855 à Paris, deux ans après son entrée au Sénat.

Théodore Ducos était, comme le ministre de la Restauration Portal, un ancien négociant très ouvert sur le monde. Il fut le véritable initiateur d’une vraie politique d’expansion maritime et coloniale poursuivie par ses successeurs. Dans cette fonction il reconstitua la police de la navigation, le commissariat de la marine, le génie maritime, le corps de santé, réorganisa le conseil d’amirauté, le système de surveillance des fournitures et développa l’inscription maritime et surtout la marine à vapeur. Le budget de la Marine s’élève considérablement au début de l’Empire et surtout à l’époque de la guerre de Crimée qu’il prépara avec soin, car le passage de la voile à la vapeur oblige à un renouvellement complet de la flotte, en relation avec le développement de la sidérurgie. C’est aussi à cette époque que naîtront les grandes compagnies maritimes françaises sur le modèle anglais, considéré comme le peuple de la mer.

C’est également sous son ministère que la France prendra possession de la Nouvelle Calédonie, et étendra sa présence en Sénégambie. En 1853, Napoléon III profitant de ce que l’Angleterre recherche l’alliance française contre la Russie , dépêche trois navires vers la Grande Terre. Dès le 24 septembre le drapeau français est hissé et, progressivement, il est fait procéder à la reconnaissance de la souveraineté française sur tous les points habités de la côte. C’est alors qu’avec l’arrivée de trois compagnies de marine fortement armées, le 20 janvier 1855, le gouverneur peut proclamer " l’appartenance de toutes les terres non occupées de la Nouvelle Calédonie au gouvernement français ". C’est ainsi que pour les Canaques, le français est le " voleur de la terre ancestrale " alors que les métropolitains considèrent l’indigène comme un " sauvage fourbe et rusé qui s’adonne volontiers à l’anthropophagie ". En voulurent ils à Théodore Ducos ? Probablement ; mais dans les autres îles la rancune ne lui survivra pas, car les martiniquais se souviennent à peine de la raison pour laquelle une bourgade porte le nom de Ducos. A l'écart de l'effervescence de la plaine du Lamentin, la petite ville de Ducos a commencé par s'appeler Trou-au-Chat, sans que l'on sache véritablement pourquoi. Ce lieudit érigé en commune en 1837 prendra en 1855 le nom du ministre de la Marine de Napoléon III. C'est aujourd'hui un joli village miniature avec ses coiffeurs barbiers, son petit poste de police et ses habitants accueillants. Située à l'intérieur des terres, Ducos a une vocation agricole. Elle abrite également une zone artisanale en plein essor.

Sous son administration, les bagnes de Toulon seront transférés à Cayenne après le coup d’Etat du deux décembre. L'idée d'exiler " les parasites de la France " en Amérique française naît en 1792. Jusqu'en 1938, ce seront quelques 90000 prisonniers qui seront déportés sur cette terre maudite. En 1852, la déportation vers la Guyane est organisée. Le bagne doit ramener le condamné à une vie honnête et permettre le développement de la colonie : apport de main d’œuvre pour la construction de routes... Les premiers camps installés entre Cayenne et le fleuve Oyapock sont fermés dès 1867. Dans un premier temps, les bagnards sont envoyés dans les lieux les plus retirés et les plus insalubres qui soient. En 1854, une loi donne lieu à la transportation et quelques années plus tard, en 1858 les autorités fondent le centre de détention de Saint-Laurent-du-Maroni. Éloignée de la mère patrie l'administration pénitentiaire, qui ne subissait que peu de contraintes, prend alors une nouvelle dimension et s'organise. La corruption et l’inégalité sociale deviennent les fondements de cette " société " où l’argent constitue la solution à tous les problèmes. Il permet entre autre de recevoir un traitement privilégié et bien moins pénible que le travail en forêt…. Les maladies y tuent trop d'hommes, et son surnom de " guillotine sèche " ou de " mangeuse d'hommes " font que le bagne est alors transféré en Nouvelle-Calédonie, sur la presqu’île Ducos, où règne un climat plus clément et où seront internés les prisonniers de la Commune dont Louise Michel, sa voisine de Vroncourt.

Le 12 juin 1851 à Auteuil, Théodore Ducos avait épousé une haut marnaise Anne Joly, née le 24 mai 1819 à Bourmont. On peut d’ailleurs toujours admirer à Bourmont la maison familiale, dont la décoration extérieure n’est pas sans rappeler l’attachement à la mer avec, entre autres, un linteau en forme d’ancre de marine. Le conseil municipal de la petite ville sollicita plusieurs fois le couple pour obtenir des aides à la construction de l’église Saint Joseph ; ce que fera volontiers aboutir la comtesse Ducos. Elle continuera d’ailleurs ses œuvres de bienveillance envers sa paroisse natale en lui adressant plusieurs années après le décès de son mari des objets liturgiques et religieux, ainsi qu’en obtenant du ministère des beaux arts le tableau de l’annonciation qui trône aujourd’hui à l’hôtel de ville de Bourmont. Elle donnera et achètera également des bâtiments à la ville dont celui qui servit de station des haras et pour le logement des palefreniers.

Les enfants du couple: la comtesse Jeanne Fanny Louise Bathilde Ducos et Paul Emile Théodore Ducos continueront l’offre généreuse de leur mère en donnant une maison et un jardin dont ils avaient hérité en 1901. Tous deux célibataires, ils seront très attachés à notre département. Paul Emile Théodore occupa tout d’abord à Rome le poste d’attaché d’ambassade auprès du Saint Siège, puis sera camérier des papes Pie IX et Léon XIII. Comme sa mère, il usa de son influence pour aider de nombreux solliciteurs. En 1886, le comte Paul Emile Théodore Ducos achète les vestiges de l’ancienne abbaye prémontrée de Septfontaines. Tout menace ruine et les fouilles faites par le comte conduisent à l’exhumation des ossements de plusieurs religieux, dont celui de Claude de Saint Belin, qui trouveront une nouvelle sépulture dans le chœur de l’église. Il fait de nombreux travaux de restauration dans le couvent et garnit le cloître de meubles, statues, reliquaires et autres antiquités profanes ou religieuses. Les anciennes chambres des convers seront décorées de gravures, agencées de mobilier ou autres vitrines renfermant des objets familiaux et des services en porcelaine de Sèvres. Erudit, avec des goûts d’artiste, il songeait à écrire un livre sur la sœur de Diderot, mais la mort l’en empêchera le 10 mars 1913.

Cette mort, il l’avait longuement préparée au travers d’un testament plusieurs fois modifié et complété, léguant tous ses biens au département à charge que l’abbaye "soit intégralement, et à tout jamais affecté(e) à une œuvre charitable telle qu’une école d’horticulture pour les orphelins, un hospice pour les malades ou un asile pour les vieillards…. ". Lors de sa séance du 30 septembre 1913, le Conseil Général de la Haute Marne accepte définitivement le legs Ducos. Les premiers temps, il y entretiendra un gardien qui faisait également office de guide aux nombreux visiteurs puis, le temps passant, délaissa les bâtiments ; le patrimoine et la culture faisant mauvais ménage avec l’argent. Le département ne respectant plus les clauses du testament, la famille du comte Ducos intenta alors, à la fin des années cinquante, un procès qui durera six ans et ainsi récupèrera l’abbaye qui est, aujourd’hui encore, la propriété d’une descendante. Les magnifiques et considérables collections d’antiquités furent ensuite vendues aux enchères, et il ne subsiste plus que les bâtiments abbatiaux dans l’état où les a laissés le comte Ducos.

Didier DESNOUVAUX

Sources :

- Roman d’Amat. Dictionnaire de biographie française.

- Marianne et Robert Cornevin. La France et les Français d’outre mer. Tallandier 1990.

- Abbé Charles Roussel. L’abbaye de Septfontaines de l’ordre des Prémontrés. In Analecta praemonstratensia. Bruxelles. 1944.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire