vendredi 3 janvier 2014

Il y a 100 ans: La garde communale haut-marnaise de 1914


Un échec annoncé
Les corps spéciaux de garde civile, appelée aussi garde communale, sont une institution éphémère dont l’existence est attestée d'août à octobre 1914, mais qui fait l'objet de discussions entre 1913 et 1920. Dans son principe, il s'agit d'une milice composée de «citoyens de bonne volonté» qui se charge de maintenir l'ordre pendant la période de mobilisation, quand les besoins de surveillance s'accroissent et que l'effectif des forces de police se réduit.

Le 31 décembre 1913, le ministre de l’intérieur rend un rapport au président de la république, dans lequel il expose tout l’intérêt de la création d’une garde civile, et notamment que « La mobilisation aura pour effet de restreindre considérablement les forces de police qui, dans les agglomérations aussi bien que dans les campagnes, sont chargées de veiller au maintien de l'ordre et de la tranquillité publics. Le Gouvernement doit donc, dès le temps de paix, non seulement prévoir les mesures propres à assurer une surveillance aussi active qu'en période normale, mais encore se préoccuper de renforcer ses moyens d'action pour faire face aux nécessités d'une situation exceptionnelle. ». On s’attend donc bien à une entrée en guerre prochaine.
L’affaire est, sinon urgente, pour le moins entendue, puisque le décret d’application ne se fait pas attendre. Il est publié le 7 janvier 1914 :
Art. 1. Des corps spéciaux de gardes civils seront organisés dans les agglomérations importantes et partout où l'autorité le jugera utile. Ils auront pour mission de coopérer au maintien de l'ordre et de participer aux mesures de sécurité générale en temps de guerre dans les limites de leurs circonscriptions qui seront fixées par arrêté préfectoral.
Art. 2. Les gardes civils relèveront de l'autorité des Préfets dans les départements, du Préfet de Police dans l'étendue de son ressort.
Art. 3. Les corps spéciaux prévus à l'article 1er seront composés exclusivement de volontaires recrutés parmi les hommes suffisamment robustes et dégagés de toute obligation militaires.
Art. 4. L'engagement des gardes civils pourra être contracté dès le temps de paix ; il s'étendra à la durée de la guerre. Cet engagement pourra être résilié par les Préfets soit d'office, soit pour des raisons de santé, sur la demande des intéressés.
Art. 5. En cas d'invasion par l'ennemi du territoire de la circonscription à laquelle ils sont affectés, ces corps spéciaux sont dissous et l'effet des engagements prend fin ipso facto.
Art. 6. Les gardes auront droit à une indemnité journalière de subsistance dont le taux sera fixé pour chaque département, conformément aux instructions du Gouvernement.
Art. 7. Les gardes civils devront être munis d'un revolver dont le prix leur sera remboursé, sur leur demande, au moment de la mobilisation.
Art. 8. A ce même moment, les gardes civils recevront comme insigne un brassard de couleur vert olive portant le nom du département, un numéro d'ordre et le cachet de la Préfecture.
Art. 9. Une médaille spéciale sera accordée, sur la proposition du Préfet, aux gardes civils qui auront rempli avec zèle et discipline les fonctions qui leurs sont confiées.
Art. 10. Des arrêtés préfectoraux détermineront l'organisation des corps et détachements et en désigneront les chefs de tous rangs.
Art. 11. Les Ministres de l'Intérieur, des Finances et de la Guerre, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.
Ce décret, comme le rapport qui l’a précédé, s’appuie sur les remontées préfectorales et les besoins locaux en matière de soutien à la gendarmerie. C’est ainsi que le 21 juin 1913 le préfet de la Haute-Marne, dans son rapport au ministre de l’intérieur écrit que « à la date du 8 avril dernier [1913], que les villes de Chaumont Langres et Saint-Dizier, me paraissent être les seuls centres du département, ou pourraient être créés des groupements de gardes communales. ». Mais il ajoute qu’à Chaumont huit sapeurs-pompiers et leur capitaine pourraient déjà en faire partie sans avoir recours à d’autres éléments, qu’à Langres, le manque d’effectifs de gendarmerie pourrait nécessiter une vingtaine de volontaires, et que pour Saint-Dizier une cinquantaine de gardes seraient à recruter. Cela ne semble pas relever de l’urgence. Le général du VIème corps d’armée est plus réaliste puisqu’il propose le 20 août 1913 Saint-Dizier, Wassy, Eclaron, Montier en Der et Chevillon pour le nord haut-marnais.
En mars 1914, les municipalités font remonter leurs listes et les fiches d'engagement des volontaires à la préfecture. La liste haut-marnaise est la suivante :
En juin 1914, le ministère de l'Intérieur demande l'organisation des détachements.
Il faudra cependant attendre le 2 août 1914, soit à la déclaration des hostilités, pour que le préfet se décide à publier un arrêté instituant des corps spéciaux de gardes civils, avec la nomination des responsables. La liste des communes concernée est la suivante :
Chaumont, Nogent, Châteauvillain, Arc en Barrois, Langres, Rolampont, Prauthoy, Hortes, Balesmes, Saint-Dizier, Joinville, Gudmont, Perthes, Roches sur Marne ; soit une quinzaine de communes d’importances différentes.
Le même arrêté précise que tout volontaire doit s’engager pour la durée de la guerre. Un brassard de couleur vert olive au nom du département est créé. La loi fixe une indemnité de fonction qui est au minimum de 3 fr. par jour pour les gradés et de 2 fr. pour les hommes. Elle peut être fixée dans chaque département à un montant plus élevé sans que ce dernier excède 4 fr. 50 pour les gradés et 3 fr. pour les gardes.
L’action des gardes civiles communales est peu connue au niveau départemental. En pratique leurs activités semblent s’être résumées à de la surveillance des passages à niveau. Ils connaissaient relativement bien les habitants du secteur, et pouvaient ainsi déceler tout passage non autorisé d’étrangers.
Il faut bien dire que les gardes communales ont à peine eu le temps d’entrer en fonction !
Le préfet ayant nommé les responsables le 2 août, à peine plus de deux mois après, le président de la République publie un décret qui  stipule dans son article premier « Les corps spéciaux de gardes civils institués en conformité des dispositions dudit décret, seront supprimés à partir du 1er novembre 1914 ». Officiellement supprimé dans le département le 20 octobre 1914, les révolvers et cartouches des gardes civils volontaires  ont été remis aux directeurs des parcs d’artillerie de Langres et d’Epinal. Les armes ont servi à l’équipement des appelés.
Sources: Archives de Haute-Marne R729; http://combattant.14-18.pagesperso-orange.fr

3 commentaires:

  1. "Le préfet ayant nommé les responsables le 2 août, deux jours après, soit le 4 août, le président de la République publie un décret qui stipule dans son article premier « Les corps spéciaux de gardes civils institués en conformité des dispositions dudit décret, seront supprimés à partir du 1er novembre 1914 »."
    Je suis très surpris par la date du décret que vous avez trouvé mettant fin aux gardes civils. Dans toutes les Ad consultées, je n'ai trouvé nulle part une telle date. Au contraire, la décision semble arriver tardivement et brutalement fin octobre. Êtes-vous sûr de cette date du 4 août ?
    Merci pour le lien vers le site "Parcours du combattant" dans vos sources.
    Cordialement,
    A. C.

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    1. Merci de votre remarque justifiée, c'est corrigé.

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