mardi 4 mai 2010

100 ans après, la retraite !

Le Livret de retraite des Sociétés scolaires de secours mutuels.

    Dans un monde où rien encore n’était vraiment fait pour protéger ouvriers et paysans des calamités naturelles et sociales, de la maladie, du chômage, de la misère, sous l’impulsion d’enseignants convaincus de l’importance de la solidarité mutualiste, apparaissent en effet un peu partout en France, à l’intérieur des classes primaires, des organisations mutuelles de travail ou d’épargne. Après les loi de 1850 et les décrets de 1852 et de 1856, les sociétés de secours mutuel connaissent un grand essor, mais il apparaît très rapidement que l’augmentation incessante des frais de maladie des sociétaires déjà vieillis rend impossible le versement d’une pension de retraite significative. Désormais, il fallait constituer la Société au moyen d’éléments plus jeunes, donc plus robustes et capables avec une cotisation moindre de laisser en caisse chaque année des excédents de ressources employables à la formation du capital retraite. Gérées sur un mode démocratique, ces sociétés exaltent la responsabilisation individuelle des adhérents et le bénéfice des prestations y est indissociablement lié à la notion de réciprocité. Au XXe siècle, les sociétés de secours mutuel doivent s’adapter à l’implication croissante de l’Etat dans le domaine de la protection sociale. Reléguées dans un rôle complémentaire à celui de la Sécurité sociale en 1945, elles prirent alors l’appellation de sociétés mutualistes.

    Dès 1883 l’Allemagne de Bismarck crée le premier système obligatoire de retraites, financé par la capitalisation de cotisations ouvrières et patronales, qui donne droit à une pension à 70 ans.En France les textes de loi et décrets de 1886 1894 et 1901 permettent la mise en place d'un système de retraite par capitalisation géré par la Caisse des Dépôts et Consignations. Son principe était le suivant: "La Caisse nationale des Retraites pour la vieillesse assure, à toute personne qui aura effectué des versements à cet effet , une rente viagère avec jouissance à 50 ans ou à un âge plus avancé. Les versements peuvent être interrompus et repris à toute époque; ils ne subissent aucune déchéance ". Cela se présentait sous la forme d'un livret, sur lequel les versements étaient inscrits. Rapidement les Sociétés scolaires de secours mutuels inscrivent les jeunes enfants puisque le livret disait que "les versements peuvent être effectués au profit de toute personne âgée de trois ans au moins…" En juin 1914 la Société scolaire de Secours Mutuels et de Retraite de la 2ème circonscription de Chaumont effectue des versements sur des livrets pour des élèves âgés de moins de 6 ans. Cela durera au moins jusqu'en 1922.
    Tout d'abord, la première Guerre mondiale vient bousculer cette mécanique, parce qu'avec le retour des trois départements d'Alsace-Moselle, la question se pose de supprimer le modèle bismarckien qui y est en vigueur ou de l'étendre au reste du pays. Dans le cas des retraites, c'est la seconde solution qui est retenue, la France étant le dernier pays européen à ne pas avoir d'assurance sociale générale.Les querelles sur la mise en œuvre de ce principe se poursuivront jusqu'en 1930, tant le débat est âpre pour savoir qui de l’État, des syndicats, du patronat ou de la mutualité doit gérer ce système. Un compromis est trouvé avec la mise en place d'un système de protection maladie par répartition et un système par capitalisation pour la retraite, tous deux obligatoires, et qui couvrent théoriquement 10 millions de personnes en 1930 et 15 en 1941.
    Mais le système de la capitalisation ne résiste pas aux dépréciations monétaires de l'après-guerre (tel avait déjà été le cas en 1910) dues à la politique inflationniste du gouvernement, ni surtout à la prédation de l'État. Alors que sont devenus ces livrets de retraite ouverts en 1914? Les versements qui ne subissaient, soit disant, aucune déchéance allaient-ils donner droit à une rente à partir de 55 ans comme il était indiqué dans le livret? La personne née en 1908 aurait donc pu prétendre à une rente viagère à partir de 1963. Comme plus aucun versement n'y avait été effectué depuis 1922, le livret dormait dans un tiroir jusqu'à un jour de 1992 où son propriétaire se décida à en demander la liquidation auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance. Celle ci accepta alors de rouvrir le dossier en 1993 et versa finalement un capital de 300,00 francs à son titulaire. Un montant qui était relativement bien faible par rapport aux sommes versées, et qui donne raison à cette publicité de 1910-1920. L'histoire ne dit pas combien de jeunes haut-marnais, encore vivants, furent assez opiniâtres pour demander la liquidation de leur livret retraite quelques 80 ans après leur premier versement, ni combien d'instituteurs avaient alors crû en la capitalisation. Bien peu étaient encore vivants.

     

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