Quand les sammies cantonnaient dans pratiquement tous les villages du département
En septembre 1917, le général Pershing commandant en chef du corps expéditionnaire américain installe son quartier général à Chaumont. C'est le début de l'arrivée des troupes en territoire haut-marnais. Ils viendront par centaines de milliers sur les différentes zones d'entrainement du département, et installeront des hôpitaux gigantesques, des voies ferrées, le téléphone, des écoles, etc. Des travaux titanesques dont chacun a aujourd'hui beaucoup de mal à mesurer l'ampleur et dont il ne reste aucun vestige, tout ayant été vendu et démantelé après l'armistice. Avec leur installation des progrès technologiques et médicaux sont survenus: expérimentation de l'ergothérapie pour soigner les maladies psychiatriques à Lafauche, création de la léwisite encore utilisée dans certains protocoles chimiothérapiques, adoption de l'aviation et création de l'armée de l'air américaine, ainsi que des corps de chars de combat à Bourg, la création de la 2ème division américaine à Bourmont, etc...
On y enseigne la guerre des tranchées, des gaz, la météorologie, le renseignement, à Langres, on y forme des postiers, des aumôniers, des musiciens, des officiers et sous-officiers, des conducteurs de chars, etc. Des parcs de matériels, des usines d'entretien et des terrains d'aviation voient le jour, etc. Cet ouvrage décrit, grâce aux notices rédigées par les instituteurs, aux historiques régimentaires américains, ainsi que par des ouvrages sur l'histoire de l'armée américaine, les conditions de vie des sammies et le choc des cultures entre les ruraux du vieux monde et les urbains venus d'outre atlantique. Des témoignages d'époque viennent compléter le point de vue que chacun avait sur l'autre, le tout pour essayer de vivre ensemble pendant tout le temps que dura l'intervention américaine. Un livre à offrir ou à s'offrir pour mieux connaître cette page d'histoire de notre département aujourd'hui oubliée au profit de l'intervention américaine de la seconde guerre mondiale. Prix 25,00 + 4,65 euros de port. Les commandes peuvent se faire directement auprès de l'auteur de ce blog à l'adresse didier.desnouvaux@laposte.net
Lu dans le Petit Haut-Marnais des samedi 15 et dimanche 16
aout 1914:
« Chaumont, 14
aout 9 heures ½ matin.
René Stéphane Meilley,
né à Villiers le Sec, caporal au 152ème d’infanterie, 24 ans, tué
sur le champ de bataille à Lutterbach, le 9 aout à 18 heures…
La nouvelle vient de
tomber sur Chaumont.
Et les femmes, saisies
d’angoisse, longuement, se sont regardées. C’est le premier. L’affreuse chose
qu’est la mort, a commencé de bouger. Sa froide main décharnée s’est posée sur
un jeune front. Haut les cœurs !La
mort n’est cruelle qu’à ceux qui demeurent : les défunts ne souffrent
plus. Tué à l’ennemi !....Ce n’est
pas la fin inutile de l’homme qu’emporte une maladie, que couche dans la terre
un stupide accident. C’est la fin utile et nécessaire hélas !la fin glorieuse du soldat qui s’est levé
pour défendre une idée et une réalité, les immortels principes de la justice et
du droit, l’indépendance morale, l’intégrité matérielle de sa Patrie. Mais une
femme que nous saluons pleure et défaille : parce qu’il a protégé nos
foyers menacés, plus jamais son fils ne reviendra au sien, au tiède foyer
maternel. La mort !... la guerre qui a déchainé la mort ! l’Allemagne
qui a déchainé la guerre !… ah ! les gueuses ! »
Contrairement à ce qu’affirme le journaliste du Petit Haut-Marnais,
ce caporal du 152ème d’infanterie mort le 9 aout 1914 à Luspach n’est
pas le premier militaire du département mort pendant ce conflit. Il a oublié
Germain Dangois, né le 7 avril 1871 à Serqueux, soldat du 51ème
Régiment d’Infanterie Territoriale tué le 5 aout 1914 à Plesnoy, tamponné par
un train alors qu’il était en service.
C’est certes moins glorieux que de
tomber sous les balles ennemies, mais la douleur des familles a été la même. Il
n’y a pas de hiérarchie dans les Morts pour la France.
Le premier officier sera Abel Morat du 109ème
Régiment d’Infanterie, né le 15 aout 1891 à Dommartin-le-Saint-Père, tué le 14
aout 1914 à La Plaine la veille de son vingt-troisième anniversaire.
Le 20 aout 1914 verra une véritable hécatombe : 5 tués haut-marnais
sont à déplorer à Morhange dans les rangs du 160ème Régiment
d’Infanterie.
LAIGNELETEugène Mariené le 02-12-1881à Romain-sur-Meuse
MICHELINMarceauné le 07-05-1888à Thonnance les Moulins
MOUGINJules Henriné le 10-10-1881à Goncourt
PICAUDEHenri Joseph Marie né le
20-05-1881à Graffigny Chemin
THIVETFrançois Prosperné le 04-11-1881à Ravennefontaines
Le régiment chaumontais du 109ème RI aura malheureusement
aussi son contingent de tués en 1914
GROSSETETEEugène
Elie Victor25-06-1889Varennes sur Amance sous lieutenant mort le
29 ocotbre 1914 à Rentoire Pas de Calais
GUILLEMINAndré
Jules27-07-1887Laferté sur Aube mort le 20 – 09 -1914Perthes les Hurlin (Marne)
Mort du 21ème RI en 914
MEULLECyrille
Auguste18-06-1885Voisey mort le 24 aout 1914 à Celles sur
Plaine (88)
Le 221 RI aura aussi des pertes en 1914
ANDREClément Marie
Joseph18-11-1887Bannes mort le 22 08 1914 Sainte Marie aux
Mines
LINOTTEAuguste
Désiré31-08-1884Broncourt disparu à Sainte Marie aux Mines le
22 08 1914.
MAROTMaurice
Henri10-05-1887Ecot mort le 21 08 1914 Krenz Haut Rhin alors
qu’il était prisonnier.
Ce ne sont malheureusement que quelques exemples des trop nombreux décès qui auront lieu pendant ce conflit inutile.
Les corps spéciaux de garde civile, appelée aussi garde
communale, sont une institution éphémère dont l’existence est attestée d'août à
octobre 1914, mais qui fait l'objet de discussions entre 1913 et 1920. Dans son
principe, il s'agit d'une milice composée de «citoyens de bonne volonté» qui
se charge de maintenir l'ordre pendant la période de mobilisation, quand les
besoins de surveillance s'accroissent et que l'effectif des forces de police se
réduit.
Le 31
décembre 1913, le ministre de l’intérieur rend un rapport au président de la
république, dans lequel il expose tout l’intérêt de la création d’une garde
civile, et notamment que « La mobilisation aura pour effet de restreindre considérablement
les forces de police qui, dans les agglomérations aussi bien que dans les
campagnes, sont chargées de veiller au maintien de l'ordre et de la
tranquillité publics. Le Gouvernement doit donc, dès le temps de paix, non
seulement prévoir les mesures propres à assurer une surveillance aussi active
qu'en période normale, mais encore se préoccuper de renforcer ses moyens
d'action pour faire face aux nécessités d'une situation exceptionnelle. ». On s’attend donc bien à une entrée en guerre prochaine.
L’affaire est, sinon urgente, pour
le moins entendue, puisque le décret d’application ne se fait pas attendre. Il
est publié le 7 janvier 1914 :
Art. 1.
Des corps spéciaux de gardes civils seront organisés dans les agglomérations
importantes et partout où l'autorité le jugera utile. Ils auront pour mission
de coopérer au maintien de l'ordre et de participer aux mesures de sécurité
générale en temps de guerre dans les limites de leurs circonscriptions qui
seront fixées par arrêté préfectoral.
Art. 2.
Les gardes civils relèveront de l'autorité des Préfets dans les départements,
du Préfet de Police dans l'étendue de son ressort.
Art. 3.
Les corps spéciaux prévus à l'article 1er seront composés exclusivement de
volontaires recrutés parmi les hommes suffisamment robustes et dégagés de toute
obligation militaires.
Art. 4.
L'engagement des gardes civils pourra être contracté dès le temps de paix ; il
s'étendra à la durée de la guerre. Cet engagement pourra être résilié par les
Préfets soit d'office, soit pour des raisons de santé, sur la demande des
intéressés.
Art. 5.
En cas d'invasion par l'ennemi du territoire de la circonscription à laquelle
ils sont affectés, ces corps spéciaux sont dissous et l'effet des engagements
prend fin ipso facto.
Art. 6.
Les gardes auront droit à une indemnité journalière de subsistance dont le taux
sera fixé pour chaque département, conformément aux instructions du
Gouvernement.
Art. 7.
Les gardes civils devront être munis d'un revolver dont le prix leur sera
remboursé, sur leur demande, au moment de la mobilisation.
Art. 8.
A ce même moment, les gardes civils recevront comme insigne un brassard de
couleur vert olive portant le nom du département, un numéro d'ordre et le
cachet de la Préfecture.
Art. 9.
Une médaille spéciale sera accordée, sur la proposition du Préfet, aux gardes
civils qui auront rempli avec zèle et discipline les fonctions qui leurs sont
confiées.
Art.
10. Des arrêtés préfectoraux détermineront l'organisation des corps et
détachements et en désigneront les chefs de tous rangs.
Art.
11. Les Ministres de l'Intérieur, des Finances et de la Guerre, sont chargés,
chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.
Ce décret, comme le rapport qui l’a
précédé, s’appuie sur les remontées préfectorales et les besoins locaux en
matière de soutien à la gendarmerie. C’est ainsi que le 21 juin 1913 le préfet
de la Haute-Marne, dans son rapport au ministre de l’intérieur écrit que « à la date du 8 avril dernier [1913],
que les villes de Chaumont Langres et
Saint-Dizier, me paraissent être les seuls centres du département, ou
pourraient être créés des groupements de gardes communales. ». Mais il
ajoute qu’à Chaumont huit sapeurs-pompiers et leur capitaine pourraient déjà en
faire partie sans avoir recours à d’autres éléments, qu’à Langres, le manque d’effectifs
de gendarmerie pourrait nécessiter une vingtaine de volontaires, et que pour
Saint-Dizier une cinquantaine de gardes seraient à recruter. Cela ne semble pas
relever de l’urgence. Le général du VIème corps d’armée est plus réaliste
puisqu’il propose le 20 août 1913 Saint-Dizier, Wassy, Eclaron, Montier en Der
et Chevillon pour le nord haut-marnais.
En mars 1914,
les municipalités font remonter leurs listes et les fiches d'engagement des
volontaires à la préfecture. La liste haut-marnaise est la suivante :
En juin 1914,
le ministère de l'Intérieur demande l'organisation des détachements.
Il faudra cependant attendre le 2 août
1914, soit à la déclaration des hostilités, pour que le préfet se décide à
publier un arrêté instituant des corps spéciaux de gardes civils, avec la
nomination des responsables. La liste des communes concernée est la suivante :
Chaumont, Nogent, Châteauvillain,
Arc en Barrois, Langres, Rolampont, Prauthoy, Hortes, Balesmes, Saint-Dizier,
Joinville, Gudmont, Perthes, Roches sur Marne ; soit une quinzaine de
communes d’importances différentes.
Le même arrêté précise que tout
volontaire doit s’engager pour la durée de la guerre. Un brassard de couleur
vert olive au nom du département est créé. La loi fixe une indemnité de
fonction qui est au minimum de 3 fr. par jour pour les gradés et de 2 fr. pour
les hommes. Elle peut être fixée dans chaque département à un montant plus
élevé sans que ce dernier excède 4 fr. 50 pour les gradés et 3 fr. pour les gardes.
L’action des gardes civiles
communales est peu connue au niveau départemental. En pratique leurs activités semblent
s’être résumées à de la surveillance des passages à niveau. Ils connaissaient
relativement bien les habitants du secteur, et pouvaient ainsi déceler tout
passage non autorisé d’étrangers.
Il faut bien dire que les gardes
communales ont à peine eu le temps d’entrer en fonction !
Le préfet ayant nommé les responsables
le 2 août, à peine plus de deux mois après, le président de la République publie un décret
qui stipule dans son article premier « Les
corps spéciaux de gardes civils institués en conformité des dispositions dudit
décret, seront supprimés à partir du 1er novembre 1914 ».Officiellement supprimé dans le
département le 20 octobre 1914, les révolvers et cartouches des gardes civils volontaires
ont été remis aux directeurs des parcs d’artillerie
de Langres et d’Epinal. Les armes ont servi à l’équipement des appelés.